La Mort des amants

Charles Baudelaire - Les Fleurs du Mal

Analyse linéaire




Plan de l'analyse de La Mort des amants de Charles Baudelaire :
Introduction
Texte du poème La Mort des amants
Plan de l'analyse linéaire
Analyse linéaire
Conclusion


Introduction

    Dans Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire propose deux visions opposées de la mort : un aspect morbide ("Une Charogne") et un aspect heureux ("La mort des amants"). Dans le poème La Mort des amants, Charles Baudelaire qui a connu l'infidélité en lui et hors de lui, la séparation et l'éloignement de la femme aimée dans le gouffre du temps imagine un monde idéal qui serait l'inverse du monde réel : la fidélité, la fusion, le luxe y règnerait. Comment Baudelaire passe d'une forme poétique traditionnelle, le sonnet en décasyllabes, à des images plus modernes de la mort ? Et pourquoi peut-on dire que le poète se trouve entre antiquité et modernité ? Pour répondre à ces problématiques, nous allons faire une analyse linéaire du poème La Mort des amants.

Charles Baudelaire
Charles Baudelaire




Texte du poème La mort des amants


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Lu par Thomas de Châtillon - source : litteratureaudio.com

CXXI - La Mort des Amants


Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Écloses pour nous sous des cieux plus beaux.

Usant à l'envi1 leurs chaleurs dernières,
Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux ;

Et plus tard un Ange, entrouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.

   Charles Baudelaire - Les Fleurs du Mal

1 à l'envi : sans modération



Plan de l'analyse linéaire

I. Premier quatrain - Un lieu étrange
II. Second quatrain - Profiter des derniers instants
III. Premier tercet - La mort idéalisée
IV. Second tercet - Un renouveau après la mort



Analyse linéaire

I. Premier quatrain - Un lieu étrange

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Écloses pour nous sous des cieux plus beaux.


Le pronom personnel "nous" du vers 1 et le titre ("amants") montrent d'emblée une union amoureuse. Les amants ne seront pas séparés par la mort.
Le lieu décrit dans le premier quatrain semble accueillant ("lits pleins d'odeurs légères", "divans profonds", "fleurs"). Idée de remplissage ("plein d'odeurs") opposée à celle du néant, du vide.
L'assonance douce en [on] des vers 1 et 2 montrent un lieu doux et agréable.
Mais dès le vers 2, le champ lexical de la mort apparaît ("tombeaux") montrant la présence de la mort. La mort est associée à une sensation de confort ("divans profonds"), montrant ainsi tout de suite une image positive de la mort.
Au vers 3, l'atmosphère agréable suscitée par "les fleurs" est contrebalancée par l'adjectif "étranges", les rendant ainsi inquiétantes, mystérieuses. L'adjectif "étranges" est mis en valeur par son antéposition ("étranges fleurs").
Au vers 4 ("Écloses pour nous sous des cieux plus beaux"), le comparatif "plus" montre que le lieu où se trouvent les amants n'est pas idéal, il existe des lieux "plus beaux", et le lieu où se trouvent les amants peut être un accès à ce lieu plus beau puisque les fleurs qu'il contient en viennent.
Les "cieux" ont une connotation spirituelle, représentent l'élévation de l'âme.

Il y a une opposition entre le bas et le haut ("profonds" / "cieux", "tombeaux" / "étagères"), qui indique déjà une notion de passage du monde réel (bas) vers un monde mystique (haut).

Dans tout le poème, le poète emploie le futur : il semble déjà avoir visité cet au-delà.

Ce premier quatrain présente un lieu qui semble agréable et associé à l'idée de la mort, montrant ainsi déjà une image paradoxalement positive de la mort.


II. Second quatrain - Profiter des derniers instants

Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.


Le vers 5 donne une sensation de profusion avec "à l'envi" (sans modération), mais l'adjectif "dernières", placé en antéposition, montre que l'on use ici ses dernières forces de vie, avant la mort. Il faut profiter des derniers instants, le poète associe donc la mort à une notion de plaisir et de sensualité ("chaleurs").
Le champ lexical de la chaleur ("chaleurs", "flambeaux") est opposé à la froideur traditionnellement associée à la mort.

Au vers 6, les "vastes flambeaux" montrent une nouvelle fois une image positive de la mort (évoquée par "flambeaux") car associée à l'adjectif "vastes".

Les vers 6, 7 et 8 montrent l'union des amants, avec le champ lexical de la dualité ("deux" répété 3 fois, "de" qui ressemble phonétiquement à "deux", "doubles", "miroirs", "jumeaux"). L'anaphore de "nos deux" (vers 6 et 8) insiste sur cette dualité.

Il y a une gradation, les deux âmes se rapprochent dans le quatrain : d'abord, elles sont "deux", puis elles se "réfléchiront" comme des "miroirs" pour devenir des "jumeaux".
Au vers 8, le décasyllabe ("Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux") a une coupure régulière (5/5) qui insiste sur cette symétrie entre les deux êtres -> la forme sert le fond.

Au vers 8, le mot "esprits" montre que l'union amoureuse prend une dimension spirituelle plus que physique. D'ailleurs, les amants ne sont désignés que par métonymie dans ce quatrain ("cœurs", "esprits"), comme s'ils commençaient à se séparer de leur corps.

Dans tout le quatrain, le champ lexical de la lumière est présent ("chaleurs", "flambeaux", "réfléchiront", "lumières", "miroirs"), ce n'est pas habituel pour parler de la mort, et cela montre encore une fois une image positive de la mort.

Comme dans le premier quatrain, ce deuxième quatrain montre une image positive de la mort : elle permet aux deux âmes de se rapprocher et de profiter des dernières chaleurs.


III. Premier tercet - La mort idéalisée

Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux ;


Au vers 9, le "soir" est une allégorie de la fin de la vie, comme une fin de journée.
La couleur traditionnellement rattachée à la mort est le noir. Ici Baudelaire contredit totalement cette image, avec des couleurs douces et belles "de rose et de bleu". Cette mort est "mystique", donc elle rapproche de dieu, ou de quelque chose de supérieur à la vie.

Le rapprochement des deux êtres, entamé au deuxième quatrain, est ici total avec l'adjectif "unique" du vers 10 ("éclair unique"). Idée de la fusion avec la chaleur qui se produit dans un éclair.
Le poète passe du pluriel dans les deux quatrains, au singulier dans les tercets.

Le vers 11 est plus mélancolique, avec "sanglot" et "adieux", et semble indiquer que les amants sont morts, mais la mort n'est pas nommée dans ce tercet.


IV. Second tercet - Un renouveau après la mort

Et plus tard un Ange, entrouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.


Au vers 12, "plus tard" traduit une certitude, cela va arriver.

Au vers 12, l'"Ange", symbole du paradis, semble confirmer que les amants sont morts. Les "portes" peuvent également évoquer les portes du paradis. Le poète est encore dans une dimension mystique, d'ailleurs, le champ lexical du religieux est présent dans tout le poème ("cieux", "mystique", "ange").

Au vers 13, la mort est battue : le verbe "ranimer" (qui confirme encore que les amants étaient morts puisqu'il faut les ranimer) montre que l'ange fait revivre les amants, et ce retour à la vie est heureux comme le montre l'ange "fidèle et joyeux".

Le vers 14 fait écho au deuxième quatrain ("miroirs", "flammes / flambeaux") : la mort a terni les miroirs et éteint les flammes, mais ils sont ranimés. Ce sont donc les âmes et non les corps qui sont ranimés, car "miroirs" et "flammes" fait référence à la spiritualité des amants, et non à leur corps. Egalement, l'assonance en [i] des vers 7 et 8 fait également écho à celle des vers 13 et 14.

La mort unifie les amants, et scelle à jamais leur amour. Le poète semble donc l'attendre comme une libération, comme le montre l'emploi du futur dans le poème.

Hormis dans le titre, le mot "mort" n'apparaît finalement qu'à la toute fin du poème, mais c'est plutôt une résurrection comme l'a montré le vers 13. D'ailleurs, les "flammes mortes" est un oxymore (flammes = vie) et l'allitération en [m] réunit les deux mots.




Conclusion

    Nous avons vu que Baudelaire, en utilisant une forme et un thème traditionnels, parvenait à donner une idée positive et donc différente de la mort. C'est pourquoi ce poète se situe entre antiquité et modernité, en usant des deux pour créer ses textes. Dans "Les Fleurs du Mal", on a deux visions de l'amour : l'idéal "La mort des amants" et le morbide "Les métamorphoses du Vampire". Nous nous trouvons donc face à une imagerie double de la mort, mais aussi une imagerie double de l'amour.



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