La ville

Emile Verhaeren, Les Campagnes hallucinées, 1893





Plan de la fiche sur La Ville de Emile Verhaeren :
Introduction
Texte du poème La Ville
Plan du commentaire littéraire
Conclusion




Introduction

    Emile Verhaeren (Saint-Amand, Belgique, 1855 - Rouen, 1916) est un poète flamand de la fin du XIXème siècle.
    Le poème "La ville" est extrait du recueil Campagnes hallucinées, publié en 1893. Dans ce recueil, il montre à la fois une nostalgie de la campagne du passé et une critique de la misère des villes.
    Il veut démontrer que le monde moderne peut devenir une matière poétique.
    Il critique la misère des villes, l'exode rural et le travail.

    => Comment la représentation de la ville évolue-t-elle en poésie ?


Texte du poème La Ville

La Ville


Tous les chemins vont vers la ville.

Du fond des brumes,Là-bas, avec tous ses étages 
Et ses grands escaliers et leurs voyages 
Jusques au ciel, vers de plus hauts étages, 
Comme d'un rêve, elle s'exhume. 

Là-bas, 
Ce sont des ponts tressés en fer 
Jetés, par bonds, à travers l'air; 
Ce sont des blocs et des colonnes 
Que dominent des faces de gorgones; 
Ce sont des tours sur des faubourgs, 
Ce sont des toits et des pignons, 
En vols pliés, sur les maisons; 
C'est la ville tentaculaire, 
Debout, 
Au bout des plaines et des domaines. 

Des clartés rouges 
Qui bougent 
Sur des poteaux et des grands mâts, 
Même à midi, brûlent encor 
Comme des œufs monstrueux d'or, 
Le soleil clair ne se voit pas: 
Bouche qu'il est de lumière, fermée 
Par le charbon et la fumée, 

Un fleuve de naphte et de poix 
Bat les môles de pierre et les pontons de bois; 
Les sifflets crus des navires qui passent 
Hurlent la peur dans le brouillard: 
Un fanal vert est leur regard 
Vers l'océan et les espaces. 

Des quais sonnent aux entrechocs de leurs fourgons, 
Des tombereaux grincent comme des gonds, 
Des balances de fer font choir des cubes d'ombre 
Et les glissent soudain en des sous-sols de feu; 
Des ponts s'ouvrant par le milieu, 
Entre les mâts touffus dressent un gibet sombre 
Et des lettres de cuivre inscrivent l'univers, 
Immensément, par à travers 
Les toits, les corniches et les murailles, 
Face à face, comme en bataille. 

Par au-dessus, passent les cabs, filent les roues, 
Roulent les trains, vole l'effort, 
Jusqu'aux gares, dressant, telles des proues 
Immobiles, de mille en mille, un fronton d'or. 
Les rails ramifiés rampent sous terre 
En des tunnels et des cratères 
Pour reparaître en réseaux clairs d'éclairs 
Dans le vacarme et la poussière. 
C'est la ville tentaculaire. 
La rue – et ses remous comme des câbles 
Noués autour des monuments – 
Fuit et revient en longs enlacements; 
Et ses foules inextricables 
Les mains folles, les pas fiévreux, 
La haine aux yeux, 
Happent des dents le temps qui les devance. 
A l'aube, au soir, la nuit, 
Dans le tumulte et la querelle, ou dans l'ennui, 
Elles jettent vers le hasard l'âpre semence 
De leur labeur que l'heure emporte. 
Et les comptoirs mornes et noirs 
Et les bureaux louches et faux 
Et les banques battent des portes 
Aux coups de vent de leur démence. 

Dehors, une lumière ouatée, 
Trouble et rouge, comme un haillon qui brûle, 
De réverbère en réverbère se recule. 
La vie, avec des flots d'alcool est fermentée. 

Les bars ouvrent sur les trottoirs 
Leurs tabernacles de miroirs 
Où se mirent l'ivresse et la bataille; 
Une aveugle s'appuie à la muraille 
Et vend de la lumière, en des boîtes d'un sou; 
La débauche et la faim s'accouplent en leur trou 
Et le choc noir des détresses charnelles 
Danse et bondit à mort dans les ruelles. 
Et coup sur coup, le rut grandit encore 
Et la rage devient tempête: 
On s'écrase sans plus se voir, en quête 
Du plaisir d'or et de phosphore; 
Des femmes s'avancent, pâles idoles, 
Avec, en leurs cheveux, les sexuels symboles. 
L'atmosphère fuligineuse et rousse 
Parfois loin du soleil recule et se retrousse 
Et c'est alors comme un grand cri jeté 
Du tumulte total vers la clarté: 
Places, hôtels, maisons, marchés, 
Ronflent et s'enflamment si fort de violence 
Que les mourants cherchent en vain le moment de silence 
Qu'il faut aux yeux pour se fermer. 
Telle, le jour – pourtant, lorsque les soirs 
Sculptent le firmament, de leurs marteaux d'ébène, 
La ville au loin s'étale et domine la plaine 
Comme un nocturne et colossal espoir; 
Elle surgit: désir, splendeur, hantise; 
Sa clarté se projette en lueurs jusqu'aux cieux, 
Son gaz myriadaire en buissons d'or s'attise, 
Ses rails sont des chemins audacieux 
Vers le bonheur fallacieux 
Que la fortune et la force accompagnent; 
Ses murs se dessinent pareils à une armée 
Et ce qui vient d'elle encore de brume et de fumée 
Arrive en appels clairs vers les campagnes. 

C'est la ville tentaculaire, 
La pieuvre ardente et l'ossuaire 
Et la carcasse solennelle. 

Et les chemins d'ici s'en vont à l'infini 
Vers elle.


Emile Verhaeren, Les Campagnes hallucinées, 1893




Annonce des axes


Plan du commentaire littéraire

I. L'organisation de la description de la ville : espace chaotique, immense, isolé et dominé par la verticalité

1. La verticalité
2. L'immensité
3. Isolement de la ville et absence d'horizon
4. Un espace chaotique



II. Un espace inquiétant : La ville-monstre

1. Une atmosphère fantastique
2. Un espace impersonnel
3. Personnification de la ville
4. La violence et la mort





Conclusion

Le poème dénonce les faux espoirs et l'exode rural.
L'espace urbain est décrit comme un enfer.
La ville est un monstre qui dévore les populations.




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