INTRODUCTION DU LIVRE I





Texte étudié :

"Je forme une entreprise.... que cet homme-là."

Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple, et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme, ce sera moi.

Moi seul. Je sens mon cœur, et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j'ai vus; j'ose croire n'être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m'a jeté, c'est ce dont on ne peut juger qu'après m'avoir lu.

Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement: Voilà ce que j'ai fait, ce que j'ai pensé, ce que je fus. J'ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n'ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon; et s'il m'est arrivé d'employer quelque ornement indifférent, ce n'a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire. J'ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l'être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus: méprisable et vil quand je l'ai été; bon, généreux, sublime, quand je l'ai été: j'ai dévoilé mon intérieur tel que tu l'as vu toi-même. Être éternel, rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes semblables; qu'ils écoutent mes confessions, qu'ils gémissent de mes indignités, qu'ils rougissent de mes misères. Que chacun d'eux découvre à son tour son cœur au pied de ton trône avec la même sincérité, et puis qu'un seul te dise, s'il l'ose: je fus meilleur que cet homme-là.


Préambule :

Quelques renseignements sur le paratexte : 2ème préambule. Il y a deux écrits, deux préambules, ce qui montre qu'il entendait absolument ses intentions et inscrire Les Confessions comme un projet en tout point original et particulier.

Présentation du texte : Il s’agit donc de trois paragraphes qui précèdent le début de la relation autobiographique. Ces trois paragraphes sont eux-mêmes inscrits sous le signe de l’épigraphe : « Intrus, et in cute ».

Dans ce préambule, Rousseau définie le (son) projet autobiographique et il le caractérise dans son originalité. Ce faisant, il fait son propre portrait. Il se révèle une certaine composante de sa psychologie. Il fait en filigrane son propre portrait.

PLAN :

I) Projet autobiographique :

a) Originalité du projet :

Superlatifs dans le premier paragraphe. Cette originalité sur le plan de la femme est sous-entendue par le superlatif.

b) originalité de l’objet :

Le personnage « seul » dans le deuxième paragraphe : unicité.

L’entreprise est originale non pas par l’entreprise elle-même mais par le personnage qu’elle décrit : le personnage est original.

Cette originalité du personnage est revendiquée (il s’affirme comme un personnage original). C'est un personnage unique : perspective de la comparaison.

Nuance : - différence : comparaison : _ pour lui (+)

_ pour les autres (-)

- utilisation de périphrases et d’indéfinis ; utilisation du verbe être (altérité). Cette utilisation du verbe être reprend l’égalité avec altérité.

Figure de style : il est unique.

Utilisation d’une métaphore valorisante du « moule ».

c) Jugement de valeur :

Ce jugement introduit le thème de la création : troisième paragraphe. Le projet autobiographique implique ce jugement de valeur.

L’originalité se fait tel qu’il y ait une substitution entre Rousseau et Dieu.

Utilisation du subjonctif.

Utilisation du champ lexical de la bible en liaison avec « la genèse ».

Les Confessions sont en concurrence avec la bible. Ca devient Le Livre (avec majuscule). Rousseau tutoie Dieu : substitution de hiérarchie. Il inverse : Dieu c'est lui.

Le mot « foule » montre la différence vue dans le b). Une infériorité vis-à-vis de lui (Rousseau) : un grand sentiment de supériorité.

d) Originalité par la sincérité :

La sincérité introduit :

- franchise : obsession du « mal ». Le mal se trouve dans le bien qu’il nous parle.

- difficulté : problèmes de mémoires

- quand il n’a plus le vrai, il a le vraisemblable

- sincérité ici, refus du faux, du mensonge

- qualité : authenticité réalisme, vérité

- balance du « bien et mal » (bien en premier, mal en deuxième)

« Méprisable et vil » : Rousseau se place bas, en lâche : jugement de valeur.

« Bon, généreux, sublime » : autre jugement de valeur.

Ce qui est mal implique la présence d’un juge, ce qui est bon est apprécié dans l'absolu.

e) Humanité :

Rousseau se montre comme un exemplaire de l’humanité. « un homme ... cet homme. », « Les hommes ... mes semblables.», « Je fus meilleur que cet homme-là ».

f) Dialogisme :

Dans ce préambule, à qui Rousseau s’adresse-t-il ? Il utilise un interlocuteur : Dieu.

Le texte autobiographique a une caractéristique de dialogue en admettant la présence d’un destinataire, soit humain (lecteur...) soit divin.

L’image du jugement dernier donne une connotation.

Les Confessions, le fait qu’il utilise le jugement dernier semble assimilé son projet autobiographique à la procédure chrétienne, mais il manque une dimension essentielle, celle du repentir.

Son projet par rapport aux Confessions :

- donne un aveu : il dit ce qu’il a fait de mal et de bien.

- cet aveu devient un défit (contraire de repentir qui suppose l’humilité, et le défit suppose l’orgueil.)

Transition vers le deuxième axe : bizarrement, de manière originale, avant qu’il soit commencé son livre, en écrivant son livre, il s’adresse à nous.

II) Portrait en filigrane de Rousseau :

--> Premièrement, le préambule peut mettre en scène son projet. Le fait qu’il met en scène son projet révèle sa personnalité, elle est aussi révélatrice que sa personnalité.

Caractère primordial de cette mise en scène : la dramatisation : - confrontation avec Dieu

- jugement dernier : une perspective apocalyptique (« c’est la fin des temps »).

Ainsi, le narrateur se place hors d’atteinte, hors du temps, hors du monde des hommes ; il se place dans le monde des morts ou dans la fin des temps.

Le projet autobiographique permet de prendre la parole sans être interrompu par le lecteur. Le lecteur écoute celui qui n’a pu parler durant son vivant.

--> Deuxièmement, il assure une position qui est révélatrice. Procédure d’affirmation de soi, mais qui révèle. Tout le texte montre la fréquence de la première personne, de sa variété : « je », « me », « moi », ...

Investissement personnel particulièrement (relativement) important. La fréquence de la première personne place Rousseau sur le devant de la scène et fait de lui une espèce d’être magique. Il est à la fois la personne et le personnage. (acteur de lui-même, ce personnage est censé représenté la personne.)

Rousseau se met en scène ; La première chose que cela révèle c’est qu’il aime être un acteur de lui-même et donc il va montrer ce qu’il veut montrer. Plus il va se montrer, plus il va se cacher.

L’être de la personne c'est d’être le personnage. Tout ça renvoie au « regard de l’autre » (sur soi)

Tout cela permet à Rousseau de rejouer sa vie et il devient la scène de théâtre où il va séduire. L’autobiographie est une entreprise de séduction (dans le sens « mettre dans sa poche »).

--> Troisièmement, la nécessité de la scène ; Le lecteur est directement interpellé.

Ce livre c'est sa vie ; c’est l’interprétation, la représentation de sa vie.

Convocation du public par Dieu : « Rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables. »




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Merci Sylvia qui m'a envoyé cette fiche...