LA CUREE

Chapitre II

Emile Zola

extrait de "Deux mois avant la mort d'Angèle" jusqu'à "l'alambic de quelque chimiste"





Introduction

    Présenter l'auteur, Emile Zola, et l'œuvre : La Curée.


Lecture

    Deux mois avant la mort d'Angèle, il l'avait menée, un dimanche, aux buttes Montmartre. La pauvre femme adorait manger au restaurant ; elle était heureuse, lorsque, après une longue promenade, il l'attablait dans quelque cabaret de la banlieue. Ce jour-là, ils dînèrent au sommet des buttes, dans un restaurant dont les fenêtres s'ouvraient sur Paris, sur cet océan de maisons aux toits bleuâtres, pareils à des flots pressés emplissant l'immense horizon. Leur table était placée devant une des fenêtres. Ce spectacle des toits de Paris égaya Saccard. Au dessert, il fit apporter une bouteille de bourgogne.
    Il souriait à l'espace, il était d'une galanterie inusitée. Et ses regards, amoureusement, redescendaient toujours sur cette mer vivante et pullulante, d'où sortait la voix profonde des foules. On était à l'automne ; la ville, sous le grand ciel pâle, s'alanguissait, d'un gris doux et tendre, piqué çà et là de verdures sombres, qui ressemblaient à de larges feuilles de nénuphars nageant sur un lac ; le soleil se couchait dans un nuage rouge, et, tandis que les fonds s'emplissaient d'une brume légère, une poussière d'or, une rosée d'or tombait sur la rive droite de la ville, du côté de la Madeleine et des Tuileries. C'était comme le coin enchanté d'une cité des Mille et une Nuits, aux arbres d'émeraude, aux toits de saphir, aux girouettes de rubis. Il vint un moment où le rayon qui glissait entre deux nuages fut si resplendissant, que les maisons semblèrent flamber et se fondre comme un lingot d'or dans un creuset.
    - Oh ! vois, dit Saccard, avec un rire d'enfant, il pleut des pièces de vingt francs dans Paris !
    Angèle se mit à rire à son tour, en accusant ces pièces-là de n'être pas faciles à ramasser. Mais son mari s'était levé, et, s'accoudant sur la rampe de la fenêtre :
    - C'est la colonne Vendôme, n'est-ce pas, qui brille là-bas ?... Ici, plus à droite, voilà la Madeleine... Un beau quartier, où il y a beaucoup à faire... Ah ! cette fois, tout va brûler ! Vois-tu ?... On dirait que le quartier bout dans l'alambic de quelque chimiste.

Emile Zola - La Curée


Annonce des axes

Etude

I - Les éléments réalistes

* Les repères temporels :
- absence de date précise mais marque de temps dans la vie de Saccard : " deux mois avant la mort d'Angèle ". Nous sommes donc en 1854.
- nous sommes un dimanche puisque c'est le jour des sorties
- la saison est l'automne : " on était en automne ", ce qui donne une lumière douce et particulière
- moment de la journée : coucher de soleil avec les rayons qui viennent frapper les façades

* Les repères spatiaux :
- lieux réels : les " buttes de Montmartre "
- véritable emplacement des lieux cités par Saccard : la Madeleine, les Tuileries, la colonne Vendôme
- les personnages sont situés dans la pièce : " table placée devant une des fenêtres "


II - La vision de Paris

* Paris est comparé à un océan :
- réseau lexical du comparant : " flots ", "bleuâtre", "lac", "fonds", "rive"
- immensité de Paris fait penser à un océan.
Immensité et multitude et traduite par "océan de toits bleuâtres", "pareil à des flots pressés", "emplissent l'immense horizon"
- utilisation des pluriels : " pressés ", " emplissent "
- procédés de sonorité ; allitération en [s], qui donne une impression de saturation de l'espace
- métaphore reprise pour rendre la ville plus vivante : " la voix des foules ", " cette mer vivante et pullulante "
- regard vertical dû à la description
- ville est décrite comme un lac et les parcs comme de feuilles de nénuphar

* Paris est comparé à une femme :
- " s'alanguissait " marque que la ville s'abandonne au repos
- " gris doux et tendre " : ressemble à une toilette de femme avec des bijoux : " piqué ça et là "

* Une image fantastique :
- allusion au mythe de Danaé dû à la poussière d'or
- ville comme dans conte des Mille et une nuits
- comparaison des maisons à un brasier où il y a de l'or
- thème du feu : récurrent dans les propos de Saccard
- l'or a un sens symbolique : il représente les maisons qui vont être détruites


III - Le personnage de Saccard

- présence de deux personnages mais Angèle est un personnage secondaire. Elle semble servir de prétexte pour la description
- regard de Saccard, il pose des questions : c'est une personne n'ayant pas beaucoup d'ambition
- euphorie de Saccard face au spectacle de Paris : le spectacle le conditionne puisqu'il devient galant (comparable avec Paris féminisée).
- sentiment amoureux de Saccard envers Paris, il lui lance des regards de convoitise.
- Saccard a un air d'enfant (aspect puéril)


Conclusion

Ce passage de La Curée a plusieurs intérêts :
- les talents de poète de Zola
- le caractère symbolique : liaison centrale et métaphore de la spéculation
- comparaison et alliance : pierre-feu-liquide-or qui rappelle la spéculation immobilière
- Saccard est un visionnaire : il sait anticiper.






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Merci à Stéphanie qui m'a envoyé cette fiche...