Bel-Ami

Guy de Maupassant

Deuxième partie, chapitre 1

De "Bonjour, Made. Je suis content..." à "...Elle était déçue, navrée."





Plan de la fiche sur Bel-Ami - Deuxième partie, chapitre 1 - de Maupassant :
Introduction
Lecture du texte
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

    Devenu journaliste par hasard, hasard d'une rencontre avec Charles Forestier, Georges Du Roy, d'abord nommé chef des échos prend d'autant plus d'importance dans la Vie Française que Charles Forestier meurt. Il est donc débarrassé d'un ami et d'un mari, qu'il s'était promis de cocufier. Il répond au désir de Madeleine en adoptant un nouveau nom : Du Roy de Cantel, et c'est immédiatement après le mariage civil que le couple se rend dans la région de Rouen, évoquée deux fois dans la première partie, aux chapitres 6 et 7. Ce passage marque comme une pause dans le tourbillon entraînant Georges Du Roy, avec le retour au pays.


Lecture du texte

    "Bonjour, Made. Je suis content de revoir les vieux. Quand on est à Paris, on n'y pense pas, et puis quand on se retrouve, ça fait plaisir tout de même."
    Mais le père criait en tapant du poing la cloison :
    "Allons, allons, la soupe est cuite."
    Et il fallut se mettre à table.
    Ce fut un long déjeuner de paysans avec une suite de plats mal assortis, une andouille après un gigot, une omelette après l'andouille. Le père Duroy, mis en joie par le cidre et quelques verres de vin, lâchait le robinet de ses plaisanteries de choix, celles qu'il réservait pour les grandes fêtes, histoires grivoises et malpropres arrivées à ses amis, affirmait-il. Georges, qui les connaissait toutes, riait cependant, grisé par l'air natal, ressaisi par l'amour inné du pays, des lieux familiers dans l'enfance, par toutes les sensations, tous les souvenirs retrouvés, toutes les choses d'autrefois revues, des riens, une marque de couteau dans une porte, une chaise boiteuse rappelant un petit fait, des odeurs de sol, le grand souffle de résine et d'arbres venu de la forêt voisine, les senteurs du logis, du ruisseau, du fumier.
    La mère Duroy ne parlait point, toujours triste et sévère, épiant de l'oeil sa bru avec une haine éveillée dans le coeur, une haine de vieille travailleuse, de vieille rustique aux doigts usés, aux membres déformés par les dures besognes, contre cette femme de ville qui lui inspirait une répulsion de maudite, de réprouvée, d'être impur fait pour la fainéantise et le péché. Elle se levait à tout moment pour aller chercher les plats, pour verser dans les verres la boisson jaune et aigre de la carafe ou le cidre doux mousseux et sucré des bouteilles dont le bouchon sautait comme celui de la limonade gazeuse.
    Madeleine ne mangeait guère, ne parlait guère, demeurait triste avec son sourire ordinaire figé sur les lèvres, mais un sourire morne, résigné. Elle était déçue, navrée.

Extrait du chapitre 1 de la partie 2 - Bel-Ami - Maupassant




Annonce des axes

I. Les sentiments et les sensations de Du Roy
II. La vision négative du monde rural
III. Deux portraits de femmes antithétiques



Commentaire littéraire

I. Les sentiments et les sensations de Du Roy

    C'est le lexique et plus exactement les champs lexicaux qui nous renseignent : "Je suis content", "ça fait plaisir", "l'amour inné du pays" et la manifestation du plaisir par le verbe "riait". L'abondance également du champ lexical de la mémoire : "Il les connaissait toutes, tous les souvenirs retrouvés, toutes les choses d'autrefois revues" montre que le narrateur lui accorde une importance particulière.

    Le champ lexical de l'odorat est aussi présent : "des odeurs de sol, le grand souffle de résine [...] les senteurs du logis, du ruisseau, du fumier" donc l'odorat contribue au fonctionnement de la mémoire, tout comme la vue : "revues", une marque de couteau dans une porte, une chaise boiteuse nous rappelant un petit fait."

    Le narrateur met en scène le réel en rendant compte de ce qu'éprouve Du Roy.

Conclusion partielle : Le style indirect libre nous permet d'avoir directement accès aux pensées du personnage, ainsi, nous en venons à oublier la présence du narrateur.


II. La vision négative du monde rural

1. Le cadre de la campagne Normande

    Ce cadre est campé par l'évocation des odeurs, qui nous font prendre la mesure du réel de cette campagne : "Des odeurs de sol, le grand souffle de résine et d'arbres venu de la foret voisine, les senteurs du logis, du ruisseau, du fumier.". Ce sont les seuls éléments qui nous permettent d'imaginer Canteleu.
    La description du repas de paysans est la description d'un repas de fête. Mais ce repas comporte des notes négatives : "long", "mal assortis". Au cours de celui-ci est présentée la couleur locale : le cidre (2 occurrences : "mis en joie par le cidre ; cidre doux mousseux").

2. Les personnages

Le père Duroy :
ce n'est pas réellement le père Duroy dont le portrait est dressé, mais la caricature des conséquences de la boisson, dont le champ lexical est très abondant. Son autorité, que l'on remarque dans "le père criait, en tapant du poing à la cloison", le décrit comme le stéréotype du paysan (cf. Madame Bovary de Flaubert, le père spirituel de Maupassant).

La mère Duroy :
Elle s'oppose à son mari par son mutisme. Son physique est évoqué et met l'accent sur le travail qui l'a marquée : "Vieille travailleuse, vieille rustique aux doigts usés, aux membres déformés par les dures besognes.". Le mot travail est évoqué ici avec son sens étymologique. Toutefois, son âge n'est pas précisé.

Conclusion partielle : Le style indirect libre nous fait de nouveau découvrir les songes des personnages : Les pensées de la mère Duroy sont marquées par la haine à l'égard de sa bru.


III. Deux portraits de femmes antithétiques

1. La mère Duroy, épiant de l'œil sa bru

    La mère Duroy a des préjugés concernant les filles de la ville : des préjugés moraux et religieux : "une répulsion de maudite, de réprouvée, d'être impur fait pour la fainéantise et le péché". Ceci explique en partie la réaction de la mère Duroy, puisque celle-ci perd son fils, sachant qu'en ayant épousé Madeleine, Georges ne reviendra plus au pays.

2. Madeleine est triste

    La tristesse de Madeleine se remarque par le champ lexical de la déception : "déçue, navrée", "sourire morne, résigné" et par ses gestes "ne mangeait guère, ne parlait guère".

Conclusion partielle : Cette rencontre manquée est un signe prémonitoire pour l'avenir du couple.





Conclusion

    Pour Maupassant, on a souvent dit "Seuls les sens nous apprennent ce qu'il faut savoir sur le monde". Ainsi, le champ lexical de la sensation est important dans ce passage. De plus, le narrateur omniscient s'efface presque du récit, grâce à l'utilisation du style indirect libre qui permet d'avoir accès aux pensées des personnages.

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Merci à Rémi pour cette analyse sur Bel-Ami - Deuxième partie, chapitre 1 - de Maupassant