Pierre et Jean

Guy de Maupassant

Les Phares (Chapitre 2)

De "Ayant fait encore quelques pas..." à "...comme on serait tranquille, peut-être !"




Plan de la fiche sur le chapitre 2 de Pierre et Jean de Maupassant :
Introduction
Texte étudié
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

    Ce texte est un extrait du roman naturaliste Pierre et Jean de Maupassant, roman publié en 1888. Maître Lecanu a annoncé aux Roland l'héritage laissé à Jean par Léon Maréchal. Les deux frères sont partis chacun de leur côté.

    Dans cet extrait, Pierre réfléchit, face à la mer, à ce qui vient de se passer. Il assiste à un beau spectacle nocturne dans le port du Havre.

Pierre et Jean - Maupassant



Texte étudié

    Ayant fait encore quelques pas, il s'arrêta pour contempler la rade. Sur sa droite, au-dessus de Sainte-Adresse, les deux phares électriques du cap de la Hève, semblables à deux cyclopes monstrueux et jumeaux, jetaient sur la mer leurs longs et puissants retards. Partis des deux foyers voisins, les deux rayons parallèles, pareils aux queues géantes de deux comètes, descendaient, suivant une pente droite et démesurée, du sommet de la côte au fond de l'horizon. Puis sur les deux jetées, deux autres feux, enfants de ces colosses, indiquaient l'entrée du Havre ; et là-bas, de l'autre côté de la Seine, on en voyait d'autres encore, beaucoup d'autres, fixes ou clignotants, à éclats et à éclipses, s'ouvrant et se fermant comme des yeux, les yeux des ports, jaunes, rouges, verts, guettant la mer obscure couverte de navires, les yeux vivants de la terre hospitalière disant, rien que par le mouvement mécanique invariable et régulier de leurs paupières : "C'est moi. Je suis Trouville, je suis Honfleur, je suis la rivière de Pont-Audemer." Et dominant tous les autres, si haut que, de si loin, on le prenait pour une planète, le phare aérien d'Etouville montrait la route de Rouen, à travers les bancs de sable de l'embouchure du grand fleuve.
    Puis sur l'eau profonde, sur l'eau sans limites, plus sombre que le ciel, on croyait voir, ça et là, des étoiles. Elles tremblotaient dans la brume nocturne, petites, proches ou lointaines, blanches, vertes ou rouges aussi. Presque toutes étaient immobiles, quelques-unes, cependant, semblaient courir ; c'étaient les feux des bâtiments à l'ancre attendant la marée prochaine, ou des bâtiments en marche venant chercher un mouillage.
    Juste à ce moment la lune se leva derrière la ville ; et elle avait l'air du phare énorme et divin allumé dans le firmament pour guider la flotte infinie des vraies étoiles.
    Pierre murmura, presque à haute voix :
    "Voilà, et nous nous faisons de la bile pour quatre sous !" Tout près de lui soudain, dans la tranchée large et noire ouverte entre les jetées, une ombre, une grande ombre fantastique, glissa. S'étant penché sur le parapet de granit, il vit une barque de pêche qui rentrait, sans un bruit de voix, sans un bruit de flot, sans un bruit d'aviron, doucement poussée par sa haute voile brune tendue à la brise du large.
    Il pensa : "Si on pouvait vivre là-dessus, comme on serait tranquille, peut-être !"

Guy de Maupassant - Pierre et Jean - Extrait du chapitre II




Annonce des axes

I. Un texte à dominante descriptive
1. Mouvement du texte
2. La structure des parties descriptives
3. Tonalité

II. La portée symbolique de la description : le paysage intérieur de Pierre
1. Les personnifications
2. Un univers fantastique et monstrueux
3. De la dualité à la réconciliation provisoire



Commentaire littéraire

I. Un texte à dominante descriptive

1. Mouvement du texte

- Début du texte : description à dominante imparfait
- "Juste à ce moment..." : la réaction de Pierre nous est présentée grâce à l'emploi du passé simple et des paroles au style direct
- Puis description d'un bateau
- Fin du texte : réaction de Pierre

-> Interprétation : on a un mouvement d'aller retour entre la description du paysage et les réactions de Pierre : la réaction suit toujours la description ce qui montre bien que l'ambiance du spectacle conditionne l'état d'esprit du personnage.

2. La structure des parties descriptives

a. Point de vue : focalisation interne

b. Structure -> le personnage fait le tour de la situation


3. Tonalité

On a ici une tonalité assez poétique qui joue sur les harmonies et les jeux de lumière émanant des phares :
- Attardement sur les couleurs : "les yeux des ports, jaunes, rouges, verts" et "Elles tremblotaient dans la brume nocturne, petites, proches ou lointaines, blanches, vertes ou rouges aussi".
- Jeu / clignotement des phares : rythme binaire qui met en valeur ce mouvement ("fixes ou clignotants, à éclats et à éclipses, s'ouvrant et se fermant").
- Jeu sur les oppositions ("proches ou lointaines, blanches, vertes ou rouges").

-> Nous avons ici un mode de description assez proche d'un travail de peinture. Il y a sûrement un parallèle avec l'impressionnisme qui procédait par petites touches pour peindre les tableaux (dans les manuscrits de Pierre et Jean, Pierre était, à l'origine, un peintre).


II. La portée symbolique de la description : le paysage intérieur de Pierre

1. Les personnifications

2. Un univers fantastique et monstrueux
-> Ces nombreux termes monstrueux ne sont pas là par hasard : c'est comme si Pierre réveillait les monstres présents en lui.


3. De la dualité à la réconciliation provisoire





Conclusion

    Cette promenade pensive semble être un court répit pour Pierre puisque la mer reste, pour l'instant, un lieu d'évasion infini pour lui. Plus tard elle sera envisagée comme une prison, ou un cercueil (chapitre 9 : "une heure plus tard il était étendu dans son petit lit marin, étroit et long comme un cercueil").
    Il y a déjà des prémices de quelque chose d'inquiétant pour la suite : le caractère colossal des phares, ainsi que l'ambiance de brume qui règne ici, que l'on retrouvera après et aussi le bateau fantôme.
    Lorsque Maupassant écrit "il (Pierre) se demanda de nouveau ce qu'il ferait, mécontent de cette promenade écourtée ; d'avoir été privé de la mer par la présence de son frère.", nous pouvons nous demander si Pierre n'est pas plutôt mécontent d'être privé de l'affection de sa mère à cause de son frère.

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Merci à Anne-Laure pour cette analyse sur le chapitre 2 de Pierre et Jean de Maupassant