Le Chat

Charles Baudelaire - Les Fleurs du mal








Introduction

    Le poème Le Chat est issu de la section "Spleen et Idéal" du recueil Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire.

    Ce poème comme d'autres de Baudelaire (par exemple Les Chats), évoque la figure du chat. Ici, Baudelaire fait un parallèle entre le chat et la femme aimée.

    Le poème Le Chat est un sonnet dans le sens qu'il comprend deux quatrains, puis deux tercets. Mais ici Baudelaire n'utilise pas d'alexandrins puisqu'il alterne entre un décasyllabe et un octosyllabe, et ne respecte pas le schéma traditionnel des rimes. Ainsi Baudelaire oscille entre tradition (sonnet) et modernité (non respect de la versification et des rimes).

Charles Baudelaire
Charles Baudelaire


Texte du poème Le Chat


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Le Chat


Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d’agate.

Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s’enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,

Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

Et, des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum
Nagent autour de son corps brun.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal


Le chat




Annonce des axes

I. La sensualité du chat
1. Un éloge du chat
2. Le chat, source de plaisir

II. Parallèle entre le chat et la femme aimée
1. Le chat, métaphore de la femme aimée
2. Une menace subtile



Commentaire littéraire

I. La sensualité du chat

1. Un éloge du chat

Dans ce poème, tout l'amour de Baudelaire pour le chat transparait.
Dès le premier mot du poème, Baudelaire invite le chat à venir avec un impératif : "Viens". Cela montre l'intérêt et le désir de Baudelaire pour ce chat.
Il utilise ensuite le pronom possessif "mon", ce qui est également une marque d'affection de Baudelaire pour le chat.

Le vocabulaire pour désigner le chat est élogieux : "beau chat", "beaux yeux", "de métal et d’agate", "plaisir"…

Les yeux "mêlés de métal et d’agate" (l'agate étant une pierre précieuse) est une métaphore qui montre la beauté unique et précieuse des yeux du chat. Notons que le terme "métal" montre également quelque chose de froid, voire de cruel, dans le regard du chat.

Dans le premier quatrain, Baudelaire parle du chat avec des sonorités douces, beaucoup de voyelles, de nasales, peu de [r].

Baudelaire est fasciné par le chat, et veut fusionner avec lui, comme le montre l'expression "plonger dans tes beaux yeux", le verbe plonger impliquant de rentrer à l'intérieur de quelque chose. En l'occurrence, ici Baudelaire veut plonger dans les yeux, donc dans la tête du chat, dans son intellect. Baudelaire veut laisser aller son imagination au travers du chat.


2. Le chat, source de plaisir

Le chat est une véritable source de plaisir pour Baudelaire.

Les impératifs "Viens" et "laisse-moi" au vers 1 et 3 montrent le désir du poète de trouver l'affection du chat.

Dans tout le début du poème, Baudelaire montre qu'il a plaisir à caresser le chat.

Plusieurs sens sont sollicités pour qualifier la relation entre le poète et le chat :
- La vue : "yeux", "regard"…
- Le toucher : "caressent", "palper"…
- L'odorat : "air subtil", "dangereux parfum"…
Ainsi, les sensations sont importantes.

Le chat est consentant, puisque Baudelaire peut caresser "à loisir", c'est-à-dire autant qu'il veut.

La deuxième strophe a une construction en parallèle (2 groupes de 2 vers), qui exprime deux fois le plaisir tactile de caresser le chat :
"Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s’enivre du plaisir
De palper ton corps électrique"

Les mots à la rime sont similaires : "loisir" et "plaisir" qui expriment une chose agréable ; "élastique" et "électrique" qui caractérisent le corps du chat sont des mots assez proches en termes de sonorités. Le terme "élastique" évoque effectivement bien le corps très souple du chat, le terme "électrique" est plus étonnant et pourrait faire référence au dynamisme du chat.

Nous pouvons également remarquer une personnification de la main ("ma main s’enivre") qui montre le pouvoir qu'a le chat de donner du plaisir.

Dans ce quatrain, les mots pour désigner le corps du poète ("doigts", "main") s'entremêlent avec ceux qui désignent le corps du chat ("tête", "dos" et "corps"), montrant ainsi la fusion entre le poète et l'animal.

Il se dégage du poème une certaine sensualité, comme le montrent certains termes ("amoureux", "cœur", "corps brun", "plaisir", "parfum"…) et la relation physique entre les poète et le chat (caresses).


II. Parallèle entre le chat et la femme aimée

1. Le chat, métaphore de la femme aimée

Dès le premier vers, Baudelaire parle d'amour : "sur mon cœur amoureux". Dans les deux quatrains, le chat semble être humanisé, avec des parties de son corps qui peuvent faire référence à un animal tout comme à un humain ("yeux", "tête", "dos", corps").

Au début du premier tercet, on comprend que Baudelaire fait un parallèle entre le chat et la femme aimée.

Les deux premiers quatrains sont consacrés au chat, alors que les deux tercets sont consacrés à la femme, comme l'annonce le vers 9 : "Je vois ma femme en esprit".

Ainsi, le chat est source d'inspiration et évoque l'image d'une femme à Baudelaire.

Au vers 9/10, la comparaison continue : "Son regard / Comme le tien". "Son regard" (vers 9) est placé en contre-rejet, mettant ainsi en relief le mot.

Certains termes désignant le chat puis la femme peuvent être associés : "plonger" / "profond", "métal" / "froid", montrant ainsi la similarité entre les deux êtres.

Le "parfum" au vers 13 évoque aussi l'image de la femme.

Dans le dernier tercet, le lecteur ne sait plus si Baudelaire parle du chat ou de la femme, qui finissent donc par se confondre (au sens de fusionner). Le "corps brun" peut être celui du chat, mais peut aussi faire référence à la maîtresse métisse de Baudelaire, Jeanne Duval.


2. Une menace subtile

Mais dans la fin du poème, il plane une menace subtile.

Cette menace était exprimée dès le début du poème, puisque le poète était obligé de demander par un impératif au chat : "Retiens les griffes de ta patte". Ainsi, le chat représente une menace, mais celle-ci peut être maitrisée.

Ensuite, la menace vient de la femme, et semble être moins maitrisable ! Dans le premier tercet, le mot "regard" rime avec "dard", montrant ainsi la dangerosité de la femme. Nous pouvons aussi remarquer que la femme est animalisée, car "dard" est un attribut animal ; au contraire, le chat semblait plutôt être humanisé -> les deux convergent donc.

Au vers 11, la menace est réelle : "Profond et froid, coupe et fend comme un dard", avec un rythme ternaire (4/3/3) qui rythme la menace avec une gradation. L'allitération en [f] peut imiter le bruit qu'émettent les chats quand ils sont menaçants.

La menace passe ainsi par le regard, mais plus original, également par l'odorat : "Un air subtil, un dangereux parfum". Ce vers en construit en chiasme, avec une gradation de la menace : "subtil" devient "menaçant", et l'"air" devient un "parfum", senteur plus forte.

Dans le dernier tercet, le rythme est plus saccadé (beaucoup de virgules, des monosyllabes), comme si le poète était moins serein du fait de l'évocation de ces menaces.




Conclusion

    Ainsi, partant d'un éloge du chat et de sa sensualité, Baudelaire dérive par l'imaginaire permis par le chat sur l'image de la femme. Puis à la fin du poème, les deux figures semblent se rejoindre.

    Contrairement à ses autres poèmes sur les chats, Baudelaire montre ici une image plus menaçante de l'animal par analogie avec la femme que le chat évoque.



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