L’injustice sociale

Jean de la Bruyère (1645-1696)

Les Caractères - Des Grands





Plan de l'analyse sur L’injustice sociale de Jean de la Bruyère :
Introduction
Texte étudié
Plan du texte
Analyse linéare
Conclusion


Introduction

- Le XVIIème siècle est marqué par la recherche du plaisir et du luxe à la Cour.
- Ce siècle cherche à développer la raison et l’esprit critique.
- La Bruyère, un excellent observateur de son temps (de la petite bourgeoisie), porte un œil objectif mais aussi pessimiste sur la société. Dans Les Caractères, un livre à la portée morale, il observe la Cour mais aussi le monde extérieur ; et dans l’injustice sociale, il étudie (en s’émouvant) les paysans.

Jean de la La Bruyère
Jean de La Bruyère




Texte étudié

    Il y a des misères sur la terre qui saisissent le cœur. Il manque à quelques-uns jusqu'aux aliments ; ils redoutent l'hiver ; ils appréhendent de vivre. L'on mange ailleurs des fruits précoces ; l'on force la terre et les saisons pour fournir à sa délicatesse : de simples bourgeois, seulement à cause qu'ils étaient riches, ont eu l'audace d'avaler en un seul morceau la nourriture de cent familles. Tienne qui voudra contre de si grandes extrémités ; je ne veux être, si je le puis, ni malheureux, ni heureux ; je me jette et me réfugie dans la médiocrité.

    Il y a une espèce de honte d'être heureux à la vue de certaines misères.

    L'on voit certains animaux farouches, des mâles, et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu'ils fouillent et qu'ils remuent avec une opiniâtreté invincible ; ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine ; et en effet ils sont des hommes. Ils se retirent la nuit dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d'eau et de racines : ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu'ils ont semé.

    Si je compare ensemble les deux conditions des hommes les plus opposées, je veux dire les grands avec le peuple, ce dernier me paraît content du nécessaire, et les autres sont inquiets et pauvres avec le superflu. Un homme du peuple ne saurait faire aucun mal ; un grand ne veut faire aucun bien et est capable de grands maux. L'un ne se forme et ne s'exerce que dans les choses qui sont utiles ; l'autre y joint les pernicieuses. Là se montrent ingénument la grossièreté et la franchise ; ici se cache une sève maligne et corrompue sous l'écorce de la politesse. Le peuple n'a guère d'esprit, et les grands n'ont point d'âme : celui-là a un bon fond et n'a point de dehors, ceux-ci n'ont que des dehors et qu'une simple superficie. Faut-il opter ? Je ne balance pas : je veux être peuple.


    Jean de la Bruyère - Les Caractères




Plan du texte

I. Misère des paysans sur le plan de la nourriture
  Du début à "...à la vue de certaines misères."
II. La difficulté de vie des paysans
  De "L'on voit certains animaux farouches..." à "...ne pas manquer de ce pain qu'ils ont semé."
III. Comparaison entre les grands et le peuple
  De "Si je compare ensemble les deux conditions..." à la fin



Analyse linéare

I. Misère des paysans sur le plan de la nourriture

Du début à "...à la vue de certaines misères."

- Le paragraphe est placé sous le signe de la compassion humaine : c’est un tableau de vie des paysans qui ont besoin et qui manquent de nourriture.
- Il donne des notes (parataxes). Ce sont des phrases courtes les unes à la suite des autres -> révolte.
- Comparaison entre les différentes couches sociales : appréhension du manque de nourriture différent des plaisirs futiles.
- Les paysans travaillent pour fournir aux riches des mets délicats -> les riches avalent la nourriture de cent familles paysannes. Hyperbole : « Ils ont eu l'audace d'avaler en un seul morceau la nourriture de cent familles » « un seul » opposé à « cent ».
- L'auteur n’accepte pas la misère des uns et le luxe outrancier des autres. Il préfère se réfugier dans la médiocrité (la condition moyenne).
- Quelqu’un ne peut être heureux à la vue de ces misères…


II. La difficulté de vie des paysans

De "L'on voit certains animaux farouches..." à "...ne pas manquer de ce pain qu'ils ont semé."

- Métaphore filée comparant animaux et paysans -> animal connu mais mystérieux.
- Eléments descriptifs : leur caractère et leur physique.
- Ils vivent à la campagne ; ce sont des animaux au caractère sauvage. La Bruyère veut faire une sorte d'éloge du paysan, le montrer fort et tenace -> Hyperbole : « une opiniâtreté invincible ».
- Adjectifs différents -> noirs (couverts de terre ce qui contraste avec la propreté de la Cour) et livides (maladie, pas sain).
- Ils sont enchaînés à la terre -> action de ces animaux = fouiller la terre, la remuer en permanence.
- Etonnant : ils ont comme une voix, ils ont des sons qui ressemblent à notre langage mais leur voix est rauque et ils poussent des grognements.
- Ils se redressent parfois sur leurs deux pieds -> ils ont une face (visage sans expressions) humaine : ce sont des hommes.
- Ils se retirent la nuit dans des tanières => tanière = habitat des animaux. Ils mangent du pain noir, de l’eau, des racines (nourriture des animaux).
- Face à leur misère, que font-ils ? Ils épargnent aux riches la peine de cultiver, de labourer la terre… Ils nous font vivre.
- Il serait donc juste que leur travail leur profite (qu’ils aient du pain) -> misère ET injustice sociale.


III. Comparaison entre les grands et le peuple

De "Si je compare ensemble les deux conditions..." à la fin

La Bruyère fait une comparaison antithétique et manichéenne (opposition du bien et du mal).

- La Bruyère accentue l’émotion : comparaison grands (= Cour, Eglise ; c’est le Mal) et petits (= peuple ; c’est le Bien).
- Le peuple est content parce qu’il peut vivre alors que les grands sont inquiets avec leur superflu.
- Un homme du peuple est bon, il ne saurait faire le mal à la différence du grand qui ne veut pas faire le bien, il est automatiquement méchant, et consciemment de surcroît : « Un grand ne veut faire aucun bien et est capable de grands maux ».
- Le peuple est utile à la société à la différence des grands y apportent des choses nuisibles.
- Peuple = franchises, spontanéité (pas d’éducation) à la différence des grands = politesse qui camoufle la méchanceté, intelligence mesquine, corruption, hypocrisie du siècle : « sous l'écorce de la politesse ».
- Le peuple n’a peut-être pas d’esprit, mais les grands n’ont pas d’âme.
- Il vaut mieux avoir un bon fond mais pas de politesse qu’une légère politesse qui cache un fond méchant.





Conclusion

    En observant les grands présents à la cour, La Bruyère en retient un portrait négatif. Les deux choses qui les caractérisent sont l'hypocrisie et la bonne éducation à défaut du peuple qui lui a plutôt des qualités de cœur. Dans ce texte, La Bruyère s'implique. Il veut faire prendre conscience aux grands et aux lecteurs du dysfonctionnement de la société. Son cœur a parlé : il refuse le luxe insolent des riches et préfère rejoindre le camp du « peuple », c’est-à-dire des paysans, dont il apprécie les qualités humaines.

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