Plan de l'analyse de 
De profundis clamavi de Charles Baudelaire :
     Le poème 
De  profundis clamavi, composé par 
Charles Baudelaire, se situe au début du recueil 
Les Fleurs du Mal, dans la section 
Spleen et Idéal. Il s’apparente au Spleen.
Le titre signifie « j’ai crié des profondeurs » est celui d’un psaume d’espérance de la Bible. Le poète en a fait un chant de désespoir.
Thèmes abordés :
         - La mélancolie
         - L’ennui et le vide, la fuite du temps
         - Un tableau du Spleen
Texte du poème De profundis clamavi
Télécharger De profundis clamavi en version audio (clic droit - "enregistrer sous...") - Lu par Thibaut Giraud - source : litteratureaudio.com
XXX - De profundis clamavi
J'implore ta pitié, Toi, l'unique que j'aime,
Du fond du gouffre obscur où mon cœur est tombé.
C'est un univers morne à l'horizon plombé,
Où nagent dans la nuit l'horreur et le blasphème ;
Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,
Et les six autres mois la nuit couvre la terre ;
C'est un pays plus nu que la terre polaire
- Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois !
Or il n'est pas d'horreur au monde qui surpasse
La froide cruauté de ce soleil de glace
Et cette immense nuit semblable au vieux Chaos ;
Je jalouse le sort des plus vils animaux
Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide,
Tant l'écheveau
1 du temps lentement se dévide !
      
Charles Baudelaire - Les Fleurs du Mal
1 écheveau :
enroulage de fils en plusieurs tours de façon à ce qu'ils ne s'emmêlent pas quand on les déroule.
 

Edvard Munch, Le cri, 1893.
Analyse linéaire du poème
      Il s’agit d’un sonnet irrégulier d’heptasyllabes aux
rimes embrassées pour les quatrains et plates pour les tercets. Les rimes
sont suffisantes (tombés, plombés) et pauvres (mois, bois). L’alternance
des rimes féminines et masculines est respectée.
Le ton est mélancolique. Le présent est un présent intemporel.
Vers 1 et 2 - L'imploration :
  Le vers 1 est une prière adressée à un « Toi » inconnu. Ce « Toi » est mis en évidence à l’hémistiche
  et est entouré de virgules. La majuscule montre que la personne à qui il fait référence est sacrée. Mais le lecteur ignore qui
  c’est.
  La prière retombe au vers 2 => « gouffre obscur » « tombé ».
  Le point insiste sur cette chute.
  Aux vers 3 et 4, le poète commence à décrire l’univers dans lequel il est tombé. Cette description continue dans le quatrain
  suivant.
Vers 3 à 8 - Un tableau du Spleen :
  Au vers 3, « l’horizon plombé » stoppe tout espoir
  de fuite ou d’élévation. On ressent également que c’est un univers sombre. 
  Au vers 4, renforce le lieu sombre par « nuit », en parallèle
  avec « gouffre obscur » (vers 2).
  
  
Le 2ème quatrain est entièrement consacré à la description
  de l’univers où se trouve le poète. C’est un véritable tableau du Spleen.
  Il insiste à nouveau sur l’obscurité du lieu où il
  se trouve par la reprise du mot « nuit » (vers 6 et 11).
  Dans cet univers, le jour dure 6 mois sans apporter de chaleur et la nuit dure
  6 mois également.
  De plus, il s’agit d’un lieu froid => champ lexical du froid : « soleil
  sans chaleur » (vers 5) ; « terre polaire » (vers 7) ; « soleil
  de glace » (
oxymore)
  (vers 10). On peut observer une gradation dans les termes.
  Aux vers 7 et 8, on ressent le vide de ce lieu => « nu » (vers 7) ; anaphore de la conjonction de coordination négative « ni » au vers 8 qui insiste sur
  ce manque, sur l'absence de vie. Ce vide était
  déjà annoncé au vers 2 par « gouffre » et
  au vers 3 par « morne » => Gradation.
Cela laisse une impression de solitude profonde.
  => Normalement les descriptions s’ajoutent les unes aux autres alors qu’ici tout s’annule.
  
On peut noter dans toute cette première partie du poème un appauvrissement des sonorités : « unique » (vers 1) -> « univers » (vers 3) -> « nuit » (vers 4 et 6) -> « nu » (vers 7) -> « ni » (vers 8).
  
1er tercet - Un monde froid et obscur :
  Le « Or » introduit une notion d’espoir de changement mais ce n’est pas le cas. N’a pas de valeur argumentative.
  Ce monde horrible est à nouveau souligné par la reprise du mot « horreur » (vers 4 et 9).
  Enjambement vers 9-10 souligne fuite du temps.
  Vers 10 : froideur
  Vers 11 : obscurité.
  Il y a une redondance dans les termes descriptifs employés qui souligne l’ennui et le vide. Le poème n’obéit pas à une
  progression, mais à une répétition qui montre l'ennui.
  
  
2ème tercet - Un ennui mortel :
  Le poète fait allusion à la mort dans ce tercet. La mort semble être la seule issue possible.
  Vers 14 chute mélancolique du poète. Souffrance due à l’ennui et à la lenteur du temps qui s’écoule. « l’écheveau du temps » est une métaphore qui fait allusion aux trois sœurs Parques gardienne du temps et le mort qui déroulaient le fil de la vie.
  Le fait que le poème se termine sur le terme « dévide » n’est pas anodin. C’est un mot circulaire DE-vi-DE et l’on entend le mot vide. Cette circularité représente l’enfermement du poète. Cette métaphore est filée avec l’enjambement des vers 9-10 => prolongement du temps.
L'
allitération en [v] dans tout ce deuxième tercet ralentit le rythme, comme pour illustrer la lenteur du temps.
  Les 
rimes plates des tercets soulignent l’ennui et le vide.
On constate tout au long du poème un appauvrissement des sonorités.
  Dans les quatrains, les sonorités se répètent et se diffusent
  dans le poème : « unique » (vers 1) à « univers » (vers
  3) à « nuit » (vers 4) à « nuit » (vers
  6) à « nu » (vers 7) à « ni » (vers 8). Diffusion mais appauvrissement.
Conclusion
        Le paysage décrit par Baudelaire dans 
De profundis clamavi pourrait être
  celui de Saturne, planète vue comme étant la plus lente du Système Solaire. De plus, dans la tradition littéraire, les poètes tourmentés étaient,
disait-on, nés sous le signe de Saturne.
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