Colombine

Verlaine - Fêtes galantes






Introduction

    Verlaine a 25 ans lorsqu'il écrit les Fêtes galantes (texte complet du recueil Fêtes galantes) en 1869, on a rapproché son œuvre des tableaux de Watteau. Ces poèmes et peintures ont en commun de montrer des scènes galantes avec un raffinement précieux. Mais rien de superficiel ne transparait de ses œuvres. Au contraire, celle-ci sont teintées d'une certaine mélancolie, ces scènes sont ambigües. Comment Verlaine met-il en avant fantaisie et ambiguïté ?


Lecture du poème

Télécharger Colombine - de Verlaine en version audio (clic droit - "enregistrer sous...")
Lu par René Depasse - source : litteratureaudio.com



Colombine


Léandre le sot,
Pierrot qui d'un saut
De puce
Franchit le buisson,
Cassandre sous son
Capuce,

Arlequin aussi,
Cet aigrefin si
Fantasque
Aux costumes fous,
Ses yeux luisant sous
Son masque,

- Do, mi, sol, mi, fa, -
Tout ce monde va,
Rit, chante
Et danse devant
Une belle enfant
Méchante

Dont les yeux pervers
Comme les yeux verts
Des chattes
Gardent ses appas
Et disent : " À bas
Les pattes ! "

- Eux ils vont toujours ! -
Fatidique cours
Des astres,
Oh ! dis-moi vers quels
Mornes ou cruels
Désastres

L'implacable enfant,
Preste et relevant
Ses jupes,
La rose au chapeau,
Conduit son troupeau
De dupes ?

   Verlaine - Fêtes Galantes



Annonce des axes

I. La fantaisie
1. Personnage de la comedia dell arte
2. La danse des mots

II. L'ambigüité
1. Colombine
2. Mélange de gaieté et tristesse



Commentaire littéraire

I. La fantaisie

1. Personnage de la comedia dell arte

- La commedia dell arte, créée au XVIème siècle en Italie, est apparue en France au XVIIème siècle. Dans ce poème, les personnages principaux y sont représentés :
- Colombine incarne une séductrice frivole qui n'attache aucune importance aux cœurs qu'elle brise. Elle attire par son charme et est poursuivit par Léandre, Pierrot, Cassandre et arlequin.

- Tous ces personnages sont donc sortis d'un monde de conventions dans lequel chacun a une fonction particulière. Ils sont tous stéréotypés.

- Pierrot est candide, badin et a une certaine dose de bon sens. Son vêtement est blanc. Il ne porte pas de masque et a le visage enfariné. Dans ce poème, Pierrot, habille, saute avec légèreté l'obstacle, peut être à cause de la dentale [d] qui lui donne de l'élan.

- Au contraire, Léandre, semble, lui, alourdit par son épithète homérique, Léandre le sot est le type même du jeune amoureux enrubanné. Il est sot car l'amour rend bête.
-> Pierrot et Léandre sont caractérisés par des mots de la même sonorité "sot" et "saut" donnant de la légèreté pour l'un, alourdissant l'autre.

- Cassandre incarne un vieillard libidineux et pervers. Il est selon les représentations, le père de Colombine, ou son amant. Cassandre "sous son capuce" présente une allitération en [s]. Cette sifflante minimise l'allure menaçante soit d'un père veillant sur sa fille, soit d'un vieillard libidineux qui avance masqué. Dans chaque cas, Cassandre en veut soit à la vertu soit au bonheur de Colombine.

- Arlequin demeure un personnage important et contrairement aux autres personnages, en dehors de Colombine, toute une strophe lui est réservée. Il possède deux caractéristiques : d'abord, "ces costumes fous", son costume, en effet, est fait de losanges multicolores. Ceux-ci représenteraient les multiples facettes d'Arlequin. Celui-ci porte aussi un "masque" noir. Les paronymes "arlequin" et "aigrefin" souligne ainsi le caractère du personnage, rusé jusqu'à la malhonnêteté. Ses yeux sont "luisants", représentent l'homme habile, intelligent.


2. La danse des mots

- Le rythme des vers :
Strophe = 5/5/2 et 5/5/2 = 2 alexandrins déstructures disposés verticalement = rythme complexe, différent de la noblesse de l'alexandrin.
Première phrase s'étend sur les quatre premières strophes. Le rythme du poème ne coïncide pas avec la syntaxe de la phrase. => création d'un déséquilibre perpétuel propre des personnages pris d'un vent de folie -> traduit par une folle gaieté.
Rythme des strophes court et léger. Ce rythme mime la danse virevoltante des perpétuelles, ce rythme court, et répétitif donne l'impression que les personnages tournent en rond.
Ruptures répétées dans le rythme avec les vers de 2 pieds -> ton badin et plaisant, action des personnages : saut de pierrot et dissimulation de Cassandre.

- La musicalité :
Nombreuses allitérations et assonances
[i] et [ou] -> folie, gaieté, rire,
Assonances internes, rimes riches et suffisantes
Holorimes : jeux de mots "des astres" et "désastres"
Poème extrêmement riche en sonorités, donne un tournant musical, joyeux au poème.


II. L'ambigüité

1. Colombine

- Incarne l'ambiguïté au féminin.
Innocente, coquette, sensuelle, féline, méchante.


2. Mélange de gaieté et tristesse

- Gaieté
Rythme allègre de la danse, masques, costumes.
Commedia dell arte = rire et jeunesse des personnages
Chanson "do mi sol mi fa"-> mode majeur, joyeux
Dialogue familier, complicité entre les personnages "à bas / les pattes"
-> Univers de l'insouciance

- Tristesse et tragique
Tristesse, amertume de plus en plus présents à la fin du poème.
Personnages affectés par leur état de fantoche à la fin du poème. 'ils sont et ne sont pas'
Coefficient d'irréalité, joie visible mais leurre passager, ils ne font que passer "eux ils vont toujours" et disparaissant à la fin vers quelques "mornes ou cruels désastres".
Destin qui frappe les hommes, conduit au malheur.
-> Les personnages sont comme soumis à Colombine "troupeau de dupes" et à leur destin : "fatidique cours des astres"

Verlaine se déclarait "saturnien", "né sous une influence maligne" ayant bonne part de malheur, bonne part de bille"
Envisage une issue malheureuse à ce destin des hommes.
Malheureuse car ennuyeuse "morne" et tragique "cruelle".

Il s'adresse aux astres comme à des interlocuteurs capable de lui apporter une réponse, non pas sur la simple destination des bergamasques, mais sur le sens même de la vie. Poésie philosophe mélancoliquement puisque Verlaine a déjà la réponse qui est tragique.
Implacable enfant prend dimension d'un destin cruel qui conduit les hommes à leur perte. Si ils sont conduits aux malheurs, c'est parce qu'ils sont dupes de leurs erreurs, dupes de leurs désirs.


Conclusion

    Rythme et musicalité riche dans ce poème, émotionnel, musical. Ton nouveau plus intime, caractéristique des fêtes galantes "clair de lune". Suggestion impressionniste.


Retourner à la page sur l'oral du bac de français 2024 !
Merci à Alison pour cette analyse de Colombine - de Verlaine