L'Assommoir

Emile Zola

Excipit (fin du chapitre 13)





Plan de la fiche sur l'excipit de L’Assommoir (chapitre 13) de Emile Zola :
Introduction
Texte étudié
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

L'Assommoir (1877)

L'Assommoir est le 7ème roman de la série des Rougon-Macquart, grande œuvre d'Emile Zola (qui publie depuis 1872).

Roman naturaliste sur le petit peuple. Héroïne principale: Gervaise Macquart, héroïne misérable et désemparée dès les premières pages du roman (voir l'incipit).

Ce roman illustre la théorie de Zola dans Le roman expérimental.

L'excipit ⇒ la mort de Gervaise après la mort de Coupeau.

Voir aussi : Le naturalisme chez Zola

L'Assommoir - Zola


Texte étudié


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Lu par Pomme - source : litteratureaudio.com

    Gervaise dura ainsi pendant des mois. Elle dégringolait plus bas encore, acceptait les dernières avanies, mourait un peu de faim tous les jours. Dès qu’elle possédait quatre sous, elle buvait et battait les murs. On la chargeait des sales commissions du quartier. Un soir, on avait parié qu’elle ne mangerait pas quelque chose de dégoûtant ; et elle l’avait mangé, pour gagner dix sous. M. Marescot s’était décidé à l’expulser de la chambre du sixième. Mais, comme on venait de trouver le père Bru mort dans son trou, sous l’escalier, le propriétaire avait bien voulu lui laisser cette niche. Maintenant, elle habitait la niche du père Bru. C’était là-dedans, sur de la vieille paille, qu’elle claquait du bec, le ventre vide et les os glacés. La terre ne voulait pas d’elle, apparemment. Elle devenait idiote, elle ne songeait seulement pas à se jeter du sixième sur le pavé de la cour, pour en finir. La mort devait la prendre petit à petit, morceau par morceau, en la traînant ainsi jusqu’au bout dans la sacrée existence qu’elle s’était faite. Même on ne sut jamais au juste de quoi elle était morte. On parla d’un froid et chaud. Mais la vérité était qu’elle s’en allait de misère, des ordures et des fatigues de sa vie gâtée. Elle creva d’avachissement, selon le mot des Lorilleux. Un matin, comme ça sentait mauvais dans le corridor, on se rappela qu’on ne l’avait pas vue depuis deux jours ; et on la découvrit déjà verte, dans sa niche.

    Justement, ce fut le père Bazouge qui vint, avec la caisse des pauvres sous le bras, pour l’emballer. Il était encore joliment soûl, ce jour-là, mais bon zig tout de même, et gai comme un pinson. Quand il eut reconnu la pratique à laquelle il avait affaire, il lâcha des réflexions philosophiques, en préparant son petit ménage.

    — Tout le monde y passe… On n’a pas besoin de se bousculer, il y a de la place pour tout le monde… Et c’est bête d’être pressé, parce qu’on arrive moins vite… Moi, je ne demande pas mieux que de faire plaisir. Les uns veulent, les autres ne veulent pas. Arrangez un peu ça, pour voir… En v’la une qui ne voulait pas, puis elle a voulu. Alors, on l’a fait attendre… Enfin, ça y est, et, vrai ! elle l’a gagné ! Allons-y gaiement !

    Et, lorsqu’il empoigna Gervaise dans ses grosses mains noires, il fut pris d’une tendresse, il souleva doucement cette femme. qui avait eu un si long béguin pour lui. Puis, en l’allongeant au fond de la bière avec un soin paternel, il bégaya, entre deux hoquets :

    — Tu sais… écoute bien… c’est moi, Bibi-la-Gaieté, dit le consolateur des dames… Va, t’es heureuse. Fais dodo, ma belle !

Emile Zola - L'assommoir




Annonce des axes

I. Une mort lente, interminable et dégradante
1. La lenteur
2. Les conditions dégradantes
3. La mort

II. Une destinée pitoyable
1. Le rôle du quartier
2. Le père Bazouge

III. Une parodie d'oraison funèbre
1. Les pensées philosophiques
2. Derniers mots à Gervaise



Commentaire littéraire

I. Une mort lente, interminable et dégradante

1. La lenteur

- Temps de la narration une page, en opposition au temps de la fiction ("des mois").
- Imparfait durée + habitude ⇒ "mourrait" un peu tous les jours. Tous les jours, Gervaise perd un peu de vie.
- "La mort devait la prendre petit à petit" : mort annoncée, mais on ne voit pas la mort elle-même.Même vivante, Gervaise paraît déjà morte.
- La mort lente occupe le premier paragraphe, ensuite c'est le père Bazouge qui est au centre du récit.


2. Les conditions dégradantes

- "mourrait de faim", "mangeait quelque chose de dégoûtant", Gervaise "devenait idiote". Elle se dégrade peu à peu " la mort la prenait par morceaux".
- Le froid : "les os glacés", "froid et chaud".
- La pauvreté : Elle est à la recherche de quelques pièces, la caisse des pauvres.
- Dégradation mentale: elle n'a plus sa raison, on se moque d'elle.
- Saleté : "quelque chose de dégoûtant", "ordures", "ça sentait mauvais", "on la découvrit déjà verte".
- Animalisation: "elle claquait du bec", "la niche". On la compare à un objet : "pour l’emballer".


3. La mort

- Personnification de la mort "La mort devait la prendre petit à petit..."
- Mystère sur sa mort, personne ne la vue : on ne sait pas de quoi "elle crève"
- Mort escamotée par le roman lui-même.


II. Une destinée pitoyable

1. Le rôle du quartier

- Pronom indéfini "on" (anonymat), on ne sait pas qui a trouvé Gervaise. Absurdité de cette mort. - M. Marescot, le propriétaire.
- Les Lorilleux
- Les gens qui l'humilient "on avait parié"
- Attitude générale: indifférence, mépris, moquerie, méchanceté.


2. Le père Bazouge

- Il est saoul, l'alcool l'aide dans sa besogne.
- Il est gai : "gai comme un pinson", "Bibi la gaieté", cette attitude banalise la mort, accentue l'indifférence (par antithèse).
- "le béguin" de Gervaise qui est fascinée par le croque-mort.

Le narrateur laisse à un soûlard l'honneur de faire ses adieux.


III. Une parodie d'oraison funèbre

1. Les pensées philosophiques

"Tout le monde y passe" ; "on" ; "les uns après les autres" = des généralités sur le report des hommes avec la mort: tout de suite ou pas, l'accepter, la refuser.

Les réflexions sur la vie passée de Gervaise:
"misère des ordures et des fatigues de sa vie gâtée"
"la sacrée existence qu'elle s'était faite".


2. Derniers mots à Gervaise

Au discours direct : "ma belle !", tendresse, consolation.
Soin paternel.

Le père Bazouge s'adresse à Gervaise comme à une dame. Gervaise n'est plus anonyme.

Mise en valeur de Gervaise "morte et heureuse". Gervaise retrouve l'estime des autres à travers le père Bazouge et la paix (pour elle).





Conclusion

Parallèle avec l'incipit de L'Assommoir : effet du réel, tonalité réaliste, portée plus symbolique.

- la fin lente, terrifiante de Gervaise est en continuité avec son destin.

- bilan de la vie de Gervaise déjà fait au chapitre 12 où les motifs que dans l'incipit reviennent : l'hôtel Boncoeur, la rentrée des ouvriers, Gervaise en attente.

- Zola naturaliste, déroule le destin tragique programmé de Gervaise. L'argument de la victime par son milieu, son hérédité, fatalité moderne.

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Merci à Alain pour cette analyse sur l'excipit de L'Assommoir de Emile Zola