La Princesse de Babylone

Voltaire

Chapitre 1 (extrait)

De "Il se présenta trois rois ..." à "...qui soit aussi beau que la princesse."





Plan de la fiche sur le Chapitre 1 de La Princesse de Babylone de Voltaire :
Introduction
Texte étudié
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

Auteur :
De son vrai nom François-Marie Arouet, Voltaire (1694-1778) incarne l'esprit philosophique des Lumières qu'il va contribuer à diffuser, par ses tragédies, ses poèmes, ses contes philosophiques et surtout ses pamphlets et ses essais. Issu de la bourgeoisie parisienne, il va rapidement combattre les privilèges et les préjugés et connaître l'exil et la prison, découvrant l'Angleterre puis la Prusse, avant de connaître sur le tard une reconnaissance nationale. Participant à L'Encyclopédie de Diderot, il défend un idéal de progrès, de justice et de liberté, dénonçant le fanatisme et la superstition, il a exercé sur l'opinion publique une véritable influence répandant des idées qui conduiront à la Révolution Française. On lui doit les tragédies Œdipe ou Zaïre, les contes Candide et L'Ingénu et des essais comme Les Lettres philosophiques ou Le Dictionnaire philosophique.

Œuvre :
Publié en 1768, La princesse de Babylone est un conte philosophique d'inspiration orientale dans la veine de Zadig, écrit en 1747. Il relate les aventures de Formosante, princesse de Babylone, et d'Amazan, berger Gangaride qui courront le monde afin de se retrouver. Ce récit permet à Voltaire de faire une sorte d'état des lieux de l'Europe de son temps.

Extrait :
Dans les premières lignes du conte La princesse de Babylone, Voltaire présente les personnages, le contexte et l'intrigue. Cet extrait présente les caractéristiques du conte philosophique et introduit les deux personnages qui sont stéréotypés : La princesse et l'inconnu.

Voltaire
Voltaire, par Maurice Quentin de La Tour




Texte étudié


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Lu par René Depasse - source : litteratureaudio.com


    Il se présenta trois rois qui osèrent disputer Formosante : le pharaon d'Égypte, le shac des Indes, et le grand kan des Scythes. Bélus assigna le jour, et le lieu du combat à l'extrémité de son parc, dans le vaste espace bordé par les eaux de l'Euphrate et du Tigre réunies. On dressa autour de la lice un amphithéâtre de marbre qui pouvait contenir cinq cent mille spectateurs. Vis-à-vis l'amphithéâtre était le trône du roi, qui devait paraître avec Formosante, accompagnée de toute la cour ; et à droite et à gauche, entre le trône et l'amphithéâtre, étaient d'autres trônes et d'autres sièges pour les trois rois et pour tous les autres souverains qui seraient curieux de venir voir cette auguste cérémonie.
    Le roi d'Égypte arriva le premier, monté sur le bœuf Apis, et tenant en main le sistre d'Isis. Il était suivi de deux mille prêtres vêtus de robes de lin plus blanches que la neige, de deux mille eunuques, de deux mille magiciens, et de deux mille guerriers.
Le roi des Indes arriva bientôt après dans un char traîné par douze éléphants. Il avait une suite encore plus nombreuse et plus brillante que le pharaon d'Égypte.
    Le dernier qui parut était le roi des Scythes. Il n'avait auprès de lui que des guerriers choisis, armés d'arcs et de flèches. Sa monture était un tigre superbe qu'il avait dompté, et qui était aussi haut que les plus beaux chevaux de Perse. La taille de ce monarque, imposante et majestueuse, effaçait celle de ses rivaux ; ses bras nus, aussi nerveux que blancs, semblaient déjà tendre l'arc de Nembrod.
    Les trois princes se prosternèrent d'abord devant Bélus et Formosante. Le roi d'Égypte offrit à la princesse les deux plus beaux crocodiles du Nil, deux hippopotames, deux zèbres, deux rats d'Égypte, et deux momies, avec les livres du grand Hermès, qu'il croyait être ce qu'il y avait de plus rare sur la terre.
    Le roi des Indes lui offrit cent éléphants qui portaient chacun une tour de bois doré, et mit à ses pieds le Veidam, écrit de la main de Xaca lui-même.
    Le roi des Scythes, qui ne savait ni lire ni écrire, présenta cent chevaux de bataille couverts de housses de peaux de renards noirs.
    La princesse baissa les yeux devant ses amants, et s'inclina avec des grâces aussi modestes que nobles.
    Bélus fit conduire ces monarques sur les trônes qui leur étaient préparés. "Que n'ai-je trois filles ! leur dit-il, je rendrais aujourd'hui six personnes heureuses. " Ensuite il fit tirer au sort à qui essayerait le premier l'arc de Nembrod. On mit dans un casque d'or les noms des trois prétendants. Celui du roi d'Égypte sortit le premier ; ensuite parut le nom du roi des Indes. Le roi scythe, en regardant l'arc et ses rivaux, ne se plaignit point d'être le troisième.
    Tandis qu'on préparait ces brillantes épreuves, vingt mille pages et vingt mille jeunes filles distribuaient sans confusion des rafraîchissements aux spectateurs entre les rangs des sièges. Tout le monde avouait que les dieux n'avaient établi les rois que pour donner tous les jours des fêtes, pourvu qu'elles fussent diversifiées ; que la vie est trop courte pour en user autrement ; que les procès, les intrigues, la guerre, les disputes des prêtres, qui consument la vie humaine, sont des choses absurdes et horribles ; que l'homme n'est né que pour la joie ; qu'il n'aimerait pas les plaisirs passionnément et continuellement s'il n'était pas formé pour eux ; que l'essence de la nature humaine est de se réjouir, et que tout le reste est folie. Cette excellente morale n'a jamais été démentie que par les faits.
    Comme on allait commencer ces essais, qui devaient décider de la destinée de Formosante, un jeune inconnu monté sur une licorne, accompagné de son valet monté de même, et portant sur le poing un gros oiseau, se présente à la barrière. Les gardes furent surpris de voir en cet équipage une figure qui avait l'air de la divinité. C'était, comme on a dit depuis, le visage d'Adonis sur le corps d'Hercule ; c'était la majesté avec les grâces. Ses sourcils noirs et ses longs cheveux blonds, mélange de beauté inconnu à Babylone, charmèrent l'assemblée : tout l'amphithéâtre se leva pour le mieux regarder ; toutes les femmes de la cour fixèrent sur lui des regards étonnés. Formosante elle-même, qui baissait toujours les yeux, les releva et rougit ; les trois rois pâlirent ; tous les spectateurs, en comparant Formosante avec l'inconnu, s'écriaient : "Il n'y a dans le monde que ce jeune homme qui soit aussi beau que la princesse."

Extrait du chapitre 1 de La Princesse de Babylone - Voltaire




Annonce des axes

I. Un extrait qui présente les caractéristiques du conte philosophique
II. Superstition et pouvoir



Commentaire littéraire

I. Un extrait qui présente les caractéristiques du conte philosophique

Dans cet extrait, la présence du merveilleux (licorne,… + exagérations), la démesure (l'amphithéâtre), le dépaysement (élément exotiques comme éléphant,… + les rites différents : mariage avec Formosante, eunuques,…) montrent que nous sommes dans un conte. Voltaire critique les rois (présentations démesurées et péjoratives des 3 rois) et le pouvoir dans une digression : aborder un nouveau sujet dans une discussion ou un récit -> conte philosophique. De plus Voltaire utilise des stéréotypes (banalités, idées toutes faites). Cette scène fait penser à l'arrivée inattendue d'Ulysse chez Homère.
DONC : On a un extrait caractéristique d'un conte philosophique et qui introduit deux thèmes chers à Voltaire : la dénonciation du pouvoir des monarques et des superstitions liées à la religion.


II. Superstition et pouvoir

Dans ses écrits, Voltaire privilégie les mêmes cibles : l'intolérance, les privilèges, la superstition, les abus de pouvoir. La religion (bœuf Apis, …) : les symboles des idoles, des représentants qui sont présentés de façon dévalorisée : montés sur bœuf apis,…, critique des symboles auxquels Voltaire n'accorde aucune valeur sauf d'être ridicule. Le pouvoir est symbolisé par les 3 rois, leur richesse, leur puissance et leur manque de modestie. Voltaire met en relief la simplicité d'Amazan : licorne, serviteur,…et certaines valeurs comme la modestie et l'égalité. Enfin, la vision que Voltaire a du pouvoir est résumé par cette phrase : "Tout le monde avouait que les dieux n’avaient établi les rois que pour donner tous les jours des fêtes" -> critique du pouvoir (les rois ne sont bons qu'à faire la fête) et de la religion.
DONC : comme souvent chez Voltaire, la critique des superstitions et du pouvoir n'est pas explicite mais passe par l'ironie, la description et les sous entendus.





Conclusion

    Cet extrait de La Princesse de Babylone illustre les deux niveaux de lecture d'un conte philosophique : une lecture distrayante, divertissante crée par l'exotisme, le merveilleux, les personnages stéréotypés et une lecture plus précise, attentive, critique, crée par l'ironie et les dénonciations implicites.

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Merci à Romain pour cette analyse du Chapitre 1 de La Princesse de Babylone de Voltaire