LE SUJET D'INVENTION

Correction du sujet du bac 2005



Série littéraire


I - L'ANALYSE DU SUJET

    Le sujet d'invention proposé renvoie au thème du corpus. Il s'agit d'un monologue théâtral qui mettra en œuvre, en particulier, la caractéristique psychologique des personnages des trois textes : Ils sont tous "désenchantés".
    Le sujet laissait une large place à la créativité du candidat mais il ne fallait néanmoins pas tomber dans le piège de l'écriture débridée et il convenait de tenir compte des apports conceptuels de chacun des textes. Même s'ils étaient plus utiles pour la dissertation, on pouvait aussi utiliser, à titre indicatif, les documents complémentaires, en particulier ce qu'écrit Artaud sur la suprématie de la parole par rapport au visuel dans le théâtre occidental.


II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

    Un sujet d'imagination, portant sur le théâtre, a évidemment l'avantage de permettre aux élèves de s'approcher du langage parlé.
    De plus l'expérience de la désillusion est commune à la plupart des adolescents. Il était donc facile en prenant appui sur les textes proposés, d'imaginer un monologue sur le sujet.
    Le danger était cependant de se laisser aller à trop de relâchement dans l'expression.


III - UN TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET

1) "Imaginer un personnage désenchanté"

    Dans le sujet, il est clairement indiqué que le candidat doit "imaginer un personnage désenchanté". Cependant, le sujet précise aussi : "comme le sont ceux des extraits du corpus". Il convient donc, avant de commencer à "inventer" un monologue, d'analyser précisément les caractéristiques particulières de chaque personnage pour se fonder sur elles.
    Ainsi, Lorenzo exprime ses craintes et ses atermoiements avant l'assassinat d'Alexandre. La multiplication des interjections, des interrogations et la marque de la suspension indiquent sa profonde hésitation et son désarroi face à l'acte qu'il envisage de commettre. La parole, ainsi rapportée, rend compte de la pensée chaotique du personnage.
    Pour sa part, le jardinier ressasse sa déception et regrette sa solitude au moment de sa nuit de noces avec Electre. Il exprime le malheur que lui apporte "son désir d'aimer". De façon évidente, le jardinier, durant le lamento, devient la voix de l'auteur et il faut lire, derrière ce monologue, une interrogation de Giraudoux sur le sens de la parole au théâtre : "Je suis libre de vous dire ce que la pièce ne pourrait vous dire". Tout comme dans Lorenzaccio, on retrouve ici, la ponctuation propre au monologue, les interjections, les interrogations et les points de suspension. Le jardinier paraît moins déchiré que Lorenzo et semble davantage fataliste, face à ce qui lui arrive.
    Enfin, Winnie incarne la solitude et l'inutilité de la parole. La parabole ainsi mise en place par Beckett, est marquée par la déconstruction de la parole qui disparaît au profit de la didascalie. Cependant, la ponctuation est tout aussi présente et a tout autant d'importance que dans les deux autres textes.
    Ainsi, pour produire son texte le candidat devra s'être interrogé sur la place de la ponctuation, sur l'utilisation des interjections, des interrogations et des suspensions. Chaque utilisation doit être motivée et apporter un sens supplémentaire au propos du personnage : l'accentuer, le moduler.

2) La cause du désenchantement

    Le sujet donne une deuxième piste de création qui doit inciter le candidat à réfléchir sur la cause du désenchantement du personnage. Les trois propositions permettent d'ouvrir largement le champ de la création. Le candidat pourra décider la source du mal être : "sentimental, professionnel ou existentiel". Le choix ne sera pas innocent et aura obligatoirement des incidences sur l'espace et le temps de l'action. Ainsi un désenchantement professionnel impliquera plutôt un personnage contemporain qui tiendra sans doute un discours plus social. Alors qu'une déconvenue sentimentale aura un cadre plus large et appellera des propos plus sensibles dans un champ lexical davantage basé sur l'affectif. Le choix de la troisième proposition, la désillusion existentielle, vous conduit obligatoirement à une réflexion philosophique et nécessite un degré d'abstraction plus important que les deux autres. En tout état de cause, vous devez clairement vous positionner au préalable, sur un des trois types de désillusion. La lecture de votre monologue doit permettre au correcteur de comprendre l'origine des interrogations du personnage, soit parce que le personnage les explicitera clairement tout au long de son discours, soit parce que les didascalies permettront d'en déchiffrer les causes.
3) "Rédiger son monologue"

    Enfin la dernière partie du sujet invite le candidat à "rédiger son monologue". On trouve là deux indications précises : tout d'abord, cela signifie que vous devez placer votre écriture dans le genre théâtral. Les caractéristiques du genre doivent être connues du candidat qui aura toujours en tête le principe du double langage, de la relation au public et de la parole sur scène.
    Par ailleurs, le sujet précise par son intitulé même, le type de parole que le candidat doit mettre en œuvre : le choix du monologue est ainsi imposé. Il est donc nécessaire d'avoir aussi, en mémoire les caractéristiques du monologue. Le personnage doit être seul sur scène, il exprime à voix haute ses pensées intérieures. Cette parole peut être dirigée vers lui même comme le fait Lorenzo dans Lorenzaccio. Dans ce cas, on peut penser aux pièces de Corneille et à leur fameux dilemme. La parole du monologue peut aussi se diriger vers le public comme le fait le Jardinier dans Electre. A ce moment là, la réflexion du personnage a sans doute une connotation plus philosophique, voire plus théâtrale.
    Le temps du monologue est généralement un moment de pause comme celui du Jardinier. Dans la pièce, cet extrait est vraiment mis à part d'un point de vue typographique. Il s'agit d'un intermède entre les deux actes. Comme une sorte de pause, une attente, une mise en suspens du temps qui s'accélèrera, au point d'ailleurs de rattraper les personnages à la fin de la pièce. Il peut aussi être générateur d'une relance de l'action comme celui de Lorenzo. Il convient de regarder d'un œil différent le monologue de Winnie qui travaille beaucoup plus sur l'aspect de la représentation visuelle du théâtre que sur le contenu réel du propos. Le nombre de didascalies est extrêmement important. et marque à la fois le jeu des personnages (sourire), (avec véhémence) et indique de façon conséquente l'aspect temporel de la pièce.
    En effet, la didascalie, "un temps", se multiplie ainsi à l'infini, tout au long du monologue. Ce silence sur scène est tout aussi "parlant" que la parole. Il peut être intéressant d'utiliser cette technique dans l'écriture d'invention. De toute façon, le candidat devait s'aventurer sur le terrain de la didascalie et réfléchir à l'aspect visuel de la représentation même si ce n'était pas clairement indiqué dans le sujet.
    L'intitulé et la direction du corpus incitaient largement à rédiger des didascalies. Le texte de Beckett indiquait que vous pouviez aller plus loin que les simples indications de temps et de lieu, comme c'est le cas dans Lorenzaccio. En tout état de cause. et quelle que soit l'option choisie, il n'était pas envisageable que l'écriture d'invention ne fasse pas apparaître des didascalies sous une forme ou sous une autre.

4) Le registre utilisé

    Le contenu du texte relevait de la pure création. Il était nécessaire de s'interroger sur le registre utilisé. Le désenchantement du personnage ne conduisait pas obligatoirement à un registre tragique ou lyrique, même si c'était sans doute le chemin le plus facile. L'ironie ou l'absurde, plus difficile à mettre en place pouvait aussi permettre d'exprimer ce type de sentiment avec un peu plus d'originalité.


IV - LES ERREURS A EVITER

    Le danger consistait à oublier de prendre appui sur le corpus et à laisser ainsi de côté certains aspects des caractéristiques propres au monologue.
    Un autre écueil résidait dans le fait de rester trop "convenu" dans le propos et l'écriture. La créativité et l'originalité était, sur ce type de sujet, des facteurs de réussite très important.