LE COMMENTAIRE LITTERAIRE

Sujet corrigé


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SUJET :

     Je descendais déjà les dernières marches de mon belvédère (1) préféré quand une apparition inatendue m'arrêta, dépité et embarrassé : à l'endroit exact où je m'accoudais d'habitude à la balustrade se tenait une femme.
     Il était difficile de me retirer sans gaucherie, et je me sentais ce matin-là d'humeur particulièrement solitaire. Dans cette position assez fausse, l'indécision m'immobilisa, le pied suspendu, retenant mon souffle, à quelques marches en arrière de la silhouette. C'était celle d'une jeune fille ou d'une très jeune femme. De ma position légèrement surplombante, le profil perdu se détachait sur la coulée de fleurs avec le contour tendre et comme aérien que donne la réverbération d'un champ de neige. Mais la beauté de ce visage à demi dérobé me frappait moins que le sentiment de dépossession exaltée que je sentais grandir en moi de seconde en seconde. Dans le singulier accord de cette silhouette dominatrice avec un lieu privilégié, dans l'impression de présence entre toutes appelée qui se faisait jour, ma conviction se renforçait que la reine du jardin venait de prendre possession de son domaine solitaire. Le dos tourné aux bruits de la ville, elle faisait tomber sur ce jardin, dans sa fixité de statue, la solennité soudaine que prend un paysage sous le regard d'un banni; elle était l'esprit solitaire de la vallée, dont les champs de fleurs se colorèrent pour moi d'une teinte soudain plus grave, comme la trame de l'orchestre quand l'entrée pressentie d'un thème majeur y projette son ombre de haute nuée. La jeune fille tourna soudain sur ses talons tout d'une pièce et me sourit malicieusement. C'est ainsi que j'avais connu Vanessa.

Julien GRACQ, Le Rivage des Syrtres
José Corti, 1951.



(1) belvédère : d'un mot italien signifiant belle vue : pavillon, plate-forme ou terrasse sur un lieu élevé dominant un beau panorama.


I - QUESTIONS (4 points) :

1 - Quelle valeur prennent dans le texte dépossession et reine du jardin à cause de la mise en italique ?    (1 points)

2 - Par quelles notations le narrateur donne-t-il progressivement consistance à la jeune inconnue (dans le deuxième paragraphe) ?    (2 points)

3 - Justifiez l'emploi du plus-que-parfait dans la dernière phrase.    (1 points)


II - COMMENTAIRE COMPOSE (16 points) :

Vous présenterez un commentaire composé de ce texte.



CORRECTION :

Questions :

1 - La mise en italique attire l'attention du lecteur, met en valeur ces deux expressions. Ces deux expressions ont un rapport étroit, elles sont en italique pour insister sur le pouvoir de la jeune femme.

2 - L'auteur donne progressivement consistance à la jeune inconnue par l'appelation de la jeune fille de plus en plus claire et personnelle. Il lui donne aussi consistance en suivant une progression. Il utilise des termes de dessin (silhouette) alors que les expressions "profil perdu", "contours tendres", "visage à demi dérobé" se fixent plus particulièrement sur le visage.
    Le narrateur utilise aussi des manières différentes de désigner l'inconnue : "la jeune fille" et à la fin "Vanessa".
   Le narrateur valorise la jeune fille avec les expressions "la reine du jardin", "statue" (qui donne une impression de solennité) et "l'esprit de la vallée".

3 - Le narrateur emploie le plus-que-parfait au lieu du passé composé pour bien montrer que Vanessa a disparu de sa vie et car il évoque un passé lointain par rapport à un passé plus proche.


Commentaire :

I - Une scène de 1ère vue :

    a) Surprise, dérangement
    b) Le regard
    c) Le portrait de la jeune fille
                        Phrase de transition

II - Une rencontre de rêve :

    a) Un lieu surélevé
    b) Un lieu magique (beauté)
                        Phrase de transition

III - Le charme de la jeune femme :

    a) Immobilité
    b) "reine du jardin", "dépossession"
    c) Pouvoir de transformation du lieu