Effet de nuit

Paul Verlaine (1866) - Poèmes saturniens







Introduction

Le poème étudié, Effet de nuit, est extrait du recueil Poèmes saturniens (1866). Le poème Effet de Nuit est situé dans la section « Eaux-fortes » qui décrit un certain art pictural.
Ce poème de Verlaine est composé d'alexandrins. Paul Verlaine, comme beaucoup d’artistes de ce siècle, projette son mal de vivre et son désespoir dans son œuvre. Paul Verlaine dévoile dans ce poème son sentiment face à la nuit. Le poète présente un paysage nocturne où a été dressé un gibet vers lequel marchent des condamnés.


Lecture du poème



Effet de nuit


La nuit. La pluie. Un ciel blafard que déchiquette
De flèches et de tours à jour la silhouette
D'une ville gothique éteinte au lointain gris.
La plaine. Un gibet plein de pendus rabougris
Secoués par le bec avide des corneilles
Et dansant dans l'air noir des gigues nonpareilles,
Tandis, que leurs pieds sont la pâture des loups.
Quelques buissons d'épine épars, et quelques houx
Dressant l'horreur de leur feuillage à droite, à gauche,
Sur le fuligineux fouillis d'un fond d'ébauche.
Et puis, autour de trois livides prisonniers
Qui vont pieds nus, un gros de hauts pertuisaniers
En marche, et leurs fers droits, comme des fers de herse,
Luisent à contresens des lances de l'averse.

     Paul Verlaine


Vocabulaire :
Blafard : d’un blanc terne, livide.
Eteinte : ici, sens pictural d’estompée, de même que le lointain désigne l’arrière-plan du tableau.
Gigues : danses anciennes, sur un rythme à deux temps, vives et gaies.
Fuligineux : couleur de suie, noirâtre.
Fond d’ébauche : autre terme qui renvoie au lexique pictural. Le « fond d’ébauche » d’un tableau désigne l’arrière-plan, plus ou moins uniforme, sur lequel vont se détacher les premiers-plan.
Pertuisaniers : soldat qui porte une pertuisane, ancienne arme formée d’un bâton muni en son extrémité d’une pointe de fer triangulaire.
Herse : terme du lexique militaire désignant un instrument à dents fixées sur un bâti pour interdire le passage.



Annonce des axes

I. Une scène nocturne inquiétante
1. Un décor sinistre
2. Une scène cauchemardesque

II. Une scène de genre ?
1. La construction picturale
2. Une description
3. Un climat fantastique



Commentaire littéraire

I. Une scène nocturne inquiétante

1. Un décor sinistre
Phrases nominales au premier vers pour accentuer les mots « nuit » et « pluie » et ainsi planter un décor sinistre et inquiétant.
Nombreux adjectifs péjoratifs « blafard, gris, rabougris »…

2. Une scène cauchemardesque
Des plantes agressives : épine et houx, « épine épars » : allitération en [p].
Des animaux malveillants : « bec avide des corneilles ». Allitération en [k] évoquant la dureté du bec.
Lexique « houx, épine, noir, fuligineux » => nature agressive (climat, faune et flore).
La nature est personnifiée : « dressant l’horreur de leur feuillage ».
Cadre médiéval : ville gothique (architecture XIV/XVème siècle), flèches (tour haute et pointue), pertuisaniers (= soldats)…
Sonorités heurtées : [k], [p]
Thème central : les perdus -> renvoie à La Ballade des pendus de Villon.


II. Une scène de genre ?

(= type d'œuvre qui représente des scènes de la vie courante)

Ce poème pourrait s'apparenter à une scène de genre macabre, décrivant un gibet dans la nuit.

1. La construction picturale
Le poème Effet de nuit s’apparente à un tableau, Verlaine ayant choisi de lui donner un aspect pictural.
Composition par plan : arrière-plan (début du poème), plan central (milieu du poème)et premier plan (fin du poème).
Lexique : « effet de nuit », « silhouette » « fond d’ébauche ».
Couleurs et valeurs (= contraste) : « blafard, éteinte, gris, livide ». Impression d'un tableau en noir et blanc.
Formes et lignes : « silhouette »
Visuel (la façon dont le regard est attiré) : « sorte de pointe ».

2. Une description
Une description précise, avec beaucoup d'adjectifs.
Eléments visuels : houx, buissons, pendus.
Tableau semble vivant => fantastique
Verbe « déchiquette » -> dès le premier vers, ce sont les éléments dissonants, marquant une rupture sur l’étendue du ciel ou de la plaine, qui attirent l’attention du poète Verlaine.

3. Un climat fantastique
Dans ce poème-tableau, la mort est omniprésente. Elle reflète tout le pessimisme de Verlaine.
Décor : nature, gibet (mort), pendus animés (« secouée, dansant, gigue, dressant, qui vont »), horreur.




Conclusion

Le poème Effet de nuit présente des paysages inquiétants qui nous plongent dans les ténèbres du Moyen-âge.


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Merci à Claire pour cette analyse de Effet de nuit - de Verlaine