Debout maintenant, mon pays et moi

Aimé Césaire





Plan de la fiche sur Debout maintenant, mon pays et moi de Aimé Césaire :
Introduction
Texte du poème
Annonce des axes
Commentaire littéraire
Conclusion


Introduction

    Debout maintenant, mon pays et moi, de Aimé Césaire (1913 - 2008), est un texte poétique extrait de Cahier d'un retour au pays natal, que l'on peut considérer comme un violent élan lyrique, ainsi qu'un vertigineux défilement d'images, de cris, de contradictions, qui ont permis à Aimé Césaire d'exprimer la complexité de ses interrogations d'homme.
    Ce poème peut être décomposé en deux parties, une partie poétique, puis une partie argumentative et aborde trois thèmes principaux : la critique de la société coloniale, l'originalité de la langue et des images et enfin, la négritude.
    Nous ferons de ce poème une étude thématique en trois parties. Nous verrons d'abord l'acceptation de soi qui s'accompagne d'une définition de la négritude. Cette observation nous conduira à étudier la synthèse de l'homme et du pays puis nous finirons par la révolte qui marque toute la fin du poème.


Texte du poème

Debout maintenant, mon pays et moi

        Au bout du petit matin, flaques perdues, parfum errants, ouragans échoués, coques démâtées, vieilles plaies, os pourris, buées, volcans enchaînés, morts mal racinés, crier amer. J'accepte !

        Et mon originale géographie aussi ; la carte du monde faite à mon usage, non pas teinte aux arbitraires couleurs des savants, mais à la géométrie de mon sang répandu, j'accepte

        et la détermination de ma biologie, non prisonnière d'un angle facial, d'une forme de cheveux, d'un nez suffisamment aplati, d'un teint suffisamment mélanien, et la négritude, non plus un indice céphalique, ou un plasma, ou un soma, mais mesurée au compas de la souffrance

        et le nègre chaque jour plus bas, plus lâche, plus stérile, moins profond, plus répandu au-dehors, plus séparé de soi-même, moins immédiat avec soi-même,

        j'accepte, j'accepte tout cela

        et loin de la mer de palais qui déferle sous la syzygie suppurante des ampoules, merveilleusement couché le corps de mon pays dans le désespoir de mes bras, ses os ébranlés et, dans ses veines, le sang qui hésite comme la goutte de lait végétal à la pointe blessée du bulbe...

        Et voici soudain que force et vie m'assaillent comme un taureau et l'onde de vie circonvient la papille du morne, et voilà toutes les veines et veinules qui s'affairent au sang neuf et l'énorme poumon des cyclones qui respire et le feu thésaurisé des volcans et le gigantesque pouls sismique qui bat maintenant la mesure d'un corps vivant en mon ferme embrasement.

        Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme et la force n'est pas en nous,
mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l'audience comme la pénétrance d'une guêpe apocalyptique. Et la voix prononce que l'Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilences,
        car il n'est point vrai que l'oeuvre de l'homme est finie
        que nous n'avons rien à faire au monde
        que nous parasitons le monde
        qu'il suffit que nous nous mettions au pas du monde
        mais l'oeuvre de l'homme vient seulement de commencer
        et il reste à l'homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur
        et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l'intelligence, de la force
        et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu'a fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite.

Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, Ed. Présence africaine




Annonce des axes

I. L'acceptation de soi
1. La négritude
2. Etre soi avec les autres, sous le regard du monde
3. Un refrain, une imprécation

II. Synthèse de l'homme et du pays
1. Le pays et l'homme mêlés
2. Personnification du pays
3. Pays devenu personnage

III. Révolte et protestation
1. Imperfection et expression de révolte
2. Remise en question de la vision de l'humanité
3. Ouverture sur une idéologie différente à l'époque



Commentaire littéraire

I. L'acceptation de soi

1. La négritude

- Couleur : "ma biologie", "angle facial", "teint suffisamment mélanien"

- Une histoire : "géométrie de mon sang répandu", "compas de la souffrance"
Phrases dans lesquelles ont retrouve un parallélisme entre :
Compas et géométrie d'une part
Structure de la phrase : non et complément du nom

- Une définition : la négritude, c'est les valeurs culturelles et spirituelles des Noirs.
La négritude n'est pas une identité physique mais une histoire, des souffrances communes
"non pas teinte aux arbitraires couleurs des savants"
"ma biologie, non prisonnière d'un angle facial"


2. Etre soi avec les autres, sous le regard du monde

- Créolisation du français qu'il s'approprie : "crier amer", "papille du morne" (colline).
- Etre soi => poème à la première personne = forme lyrique et expression des sentiments personnels (la révolte).
- Etre avec les autres => "nègre" = vocabulaire péjoratif.


3. Un refrain, une imprécation

"j'accepte" = refrain lancinant sorte de soumission.


II. Synthèse de l'homme et du pays

1. Le pays et l'homme mêlés

Une description impressionniste par une série d'hypotyposes au 1er paragraphe: "flaques perdues", "parfums errants" => perdues et errants sont des adjectifs qualificatifs que l'on utilise pour les êtres humains => Personnification du pays.


2. Personnification du pays

- Paragraphes 5 et 6, vocabulaire du corps humain appliqué au pays à l'aide d'image et de métaphores poétiques : "poumons des cyclones", "veines", "corps" à le cœur est assimilé à un volcan.

- "syzygie suppurante des ampoules" = voie lactée où les étoiles sont "les ampoules" et la voie lactée serait un tissu organique. On a donc une image belle opposée à une image horrible.


3. Pays devenu personnage

- Un allié : "mon pays et moi" en incise -> 2 personnes
- "ma petite main" "son poing énorme" -> différents alliés
- "nous" = fusion + pronoms personnels
Cependant, ce "nos" du dernier paragraphe est ambigu car il peut désigner plusieurs choses :
     Pays + personne
            ou
      Homme noir
           ou
      humanité


III. Révolte et protestation

Une révolte non pas contre mais avec l'occident.
Révolte marquée par l'opposition entre un texte poétique et argumentatif, surtout à la fin, une syntaxe plus ordonnée, plus classique car il y a des marqueurs argumentatifs et des propositions subordonnées.

1. Imperfection et expression de révolte

Révolte du pays assimilée à la fureur des éléments du paragraphe 6.
Cyclone, ouragan, pouls sismique.
Présence d'un champ lexical militaire : "conquérir", "commandement".


2. Remise en question de la vision de l'humanité

"mais l'œuvre" -> "commencé"
œuvre = travail en grec
Nous avons aussi une référence aux textes de Zola et de Desnos dans lesquels ils parlaient d'un travail qui restait à accomplir = idée de l'engagement, "il reste" -> "ferveur", "et aucune force", rythme ternaire, simple, qui pose une thèse.


3. Ouverture sur une idéologie différente à l'époque

Volonté de l'homme plus forte que l'univers
"nous avons…sans limite"
Débouché qui tend vers l'univers infini
   -> ouverture totale vers les autres, univers où tout est possible
   -> champ lexical des étoiles -> sans limite.




Conclusion

     Aimé Césaire, par une écriture lyrique, poétique et parfois argumentative nous donne sa définition de la négritude, c'est-à-dire l'acceptation de soi et de sa condition noire mais aussi revendication et révolte après des siècles de soumission.
     Mais la parole de Césaire ne s'arrête pas à son destin communautaire ou racial car elle tend dans la dernière partie du texte à l'universel.

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Merci à Patrice pour cette analyse de Debout maintenant, mon pays et moi de Aimé Césaire